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Allemagne. Les princes étant restés, au point de vue politique, les maîtres de la situation, cette victoire en avait entraîné beaucoup d’autres. Les principes économiques en vigueur dans les villes pénétrèrent dans le reste du pays. Les seigneurs apprirent à combattre les « conseils de villes, » avec les armes dont se servaient ceux-ci. À partir de la fin du XVe siècle, les tentatives de réformes sociales viennent surtout des paysans et des prolétaires, et si leurs révoltes sont comprimées, c’est grâce aux populations rurales beaucoup plus qu’à celles des villes.

Lamprecht nous montre ensuite comment l’empereur n’avait d’autre organisation administrative que celle qui découlait de sa qualité de grand propriétaire foncier. Les souverains de la maison de Habsbourg ne pouvaient, d’après lui (mais ceci est certainement exagéré), avoir d’autre influence sur l’administration générale des territoires allemands que celle qui provenait de leurs exemples personnels, et ce ne furent pas toujours de bons exemples. On trouve sans doute au XVIe siècle beaucoup de dispositions législatives concernant la police d’empire. Mais ces dispositions pouvaient tout au plus servir de type pour les dispositions analogues prises dans les divers États ou jouer un rôle supplétoire là où ces dispositions étaient muettes. L’empire apparaît même comme dépouillé de la plus importante des prérogatives qui lui étaient reconnues au moyen âge, du droit de dire le droit et de maintenir la paix (Rechtsprechung et Friedenswahrung).

Lamprecht insiste, avec raison, sur le contre-coup que cette désagrégation politique et économique eut forcément sur l’importance commerciale de l’Allemagne. Elle n’est même plus maîtresse de ses côtes, ses fleuves les plus importants sont exploités, au point de vue commercial, en partie par la Hollande, en partie par la Suède : « Presque tous les pores du corps national sont bouchés, » et cet état de choses se prolongera jusqu’au XIXe siècle.

L’Allemagne était réduite à jouer « le rôle de Cendrillon parmi les nations ; » elle était redescendue à un niveau économique certainement inférieur à celui qu’elle avait occupé au moyen âge au temps où prévalait la Naturalwirthschaft. Commerce intérieur et commerce extérieur, tout est en décadence ; l’esprit d’exclusivisme se montre plus étroit et plus intolérant que jamais. Des barrières de péages et de douanes séparent les divers territoires et l’application rigoureuse du principe Cujus regio ejus religio amène l’expulsion sans pitié d’un grand nombre de marchands et d’artisans. Les corporations se pétrifient ; la vie urbaine se ralentit ou revient à des formes surannées. On eût pu espérer que, dans la première moitié du XVIe siècle, à l’opposition entre les villes et les campagnes, qui existait depuis le XIIIe siècle, succéderait une période heureuse d’influence et de pénétration réciproques des intérêts ruraux et urbains. Les marchands des villes avaient commencé à acheter les produits de la campagne ; des colporteurs vendaient dans la campagne les produits des villes. Certaines industries domestiques ne se concen-