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qui avaient amené tant de diversité dans la condition des personnes et désorienté les légistes. Il sait que la condition des demi-libres variait à l’infini, parce qu’elle était subordonnée aux charges de la propriété et qu’il pouvait y avoir autant de degrés dans la dépendance (Hörigkeit) qu’il y avait de conditions diverses pour les tenures. Il eût bien fait de nous dire, en nous parlant de la réaction naturalwirthschaftlich du XVIe siècle, qu’elle avait eu principalement pour cause l’empressement que les seigneurs avaient mis à vendre quantité de choses sur le marché pour augmenter leurs revenus ; et, pour expliquer la décadence du commerce extérieur à cette époque, suffisait-il de dire qu’elle avait été la conséquence du changement des routes commerciales du monde ? Ne convenait-il pas de montrer l’importance qu’avaient eue les faits politiques et l’organisation économique de l’empire (t. V, p. 490) ? Les paragraphes qui traitent de l’organisation constitutionnelle des divers territoires manquent également de précision. Ils ne nous renseignent avec netteté ni sur l’organisation financière des seigneurs ni sur la formation des impôts ni sur les fonctions des Landstände. On pourrait même relever çà et là quelques contradictions. On nous dit (p. 535) qu’il ne faut pas se représenter la puissance des États comme si grande et on déclare pourtant (p. 537) que le Brandebourg et l’Autriche sont complètement sous la puissance de leurs « États. » On nous dit (p. 538) que princes et États s’entendent à merveille et n’ont qu’un même but, travailler au bien du pays. Mais alors comment se fait-il que les princes aient mis tant d’acharnement à détruire les États et qu’ils n’aient point accepté avec reconnaissance ces précieux collaborateurs ? C’est qu’au fond c’étaient des adversaires bien plus que des alliés.

Très intéressants d’ailleurs les chapitres du livre XVI (t. V, 2e partie) où l’auteur nous fait assister aux luttes éternelles entre les villes et les territoires, luttes compliquées encore par la part qu’y prenait la petite noblesse et qui contribuèrent si puissamment à hâter la désagrégation de l’empire. Si, dans la première moitié du XIVe siècle, la royauté avait pu encore s’imposer quelquefois aux récalcitrants, à partir des règnes de Charles IV et surtout de Wenceslas, elle se montre impuissante. En dépit des interdictions de la bulle d’or et des efforts de la royauté, les ligues se multiplient, et c’est avec raison que Lamprecht fait remarquer qu’à l’idée de monarchie impliquant un pouvoir se substitue une sorte de dualisme : en face du roi se dresse le pouvoir des États.

L’empire, dans ces conditions, devait naturellement se transformer en une sorte d’État fédératif, et c’est par des « exigences fédéralistes » que se manifeste d’abord la puissance des Stænde. Aux yeux de ceux-ci, l’élément monarchique n’était que l’élément représentatif de la constitution ; le pouvoir effectif était entre les mains de cette machine compliquée qu’on appelait Reichsregiment.

Ce fut cette nouvelle organisation constitutionnelle qui effaça peu à peu les contrastes et les différences que l’avènement de l’organisation économique fondée sur l’argent (Geldwirthschaft) avait introduites en