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naître certains droits, mais ce sont des droits honorifiques qui, peu à peu, diminuent d’importance, et ces paix locales deviennent le point de départ d’une législation nouvelle que l’on n’avait pas prévue et au soin de laquelle s’élabore toute une série de dispositions d’ordre constitutionnel, de législation criminelle, de droits de gage ou d’hypothèque, etc., et c’est aussi aux pouvoirs locaux que passe peu à peu la force exécutive. Et c’est ainsi que la royauté n’est plus, pour ainsi dire, qu’une charge honorifique ; princes et villes cherchent à exploiter politiquement, à leur profit, le droit de se coaliser, qui leur avait été reconnu d’abord exclusivement pour maintenir la paix. Sous prétexte de s’entendre pour la paix, ils concluent de véritables alliances contre la royauté. C’est là ce qui se produit pour la première fois, en 1333, dans la Landfrieden, souvent renouvelée depuis, qui unit, dans une action commune, toute la partie occidentale de l’Empire ; » et Lamprecht nous montre comment cette façon d’exploiter l’idée de paix perpétuelle fut favorisée par l’article de la bulle d’or qui priva les États (Stände) du droit de se coaliser en n’exceptant que les ententes, qui avaient pour but le maintien de la paix ; on tira parti le plus possible de cette exception pour conclure des alliances de toutes sortes et tourner ainsi d’une façon complète la défense de la loi ; nous voyons aussi « comment, par suite de l’abdication et de l’impuissance où se trouvait la royauté de protéger les habitants de l’empire et de leur imposer une législation uniforme, l’évolution politique de l’Allemagne fut déterminée par son évolution sociale et comment il se produisit un émiettement (Zerklüftung) désastreux pour l’idée de nation. L’action du pouvoir central se restreignit à des régions de moins en moins étendues ; elle ne se faisait guère sentir dans la plus grande partie de l’empire et elle était à peu près nulle aux extrémités. »

On lira avec intérêt les chapitres consacrés à l’évolution intérieure de l’Allemagne à partir du XIVe siècle, et notamment ceux qui concernent la colonisation des pays slaves par les races germaniques. L’organisation sociale des colonies allemandes apparaît comme très différente de celle du pays d’origine (à la civilisation de laquelle se rattachent pourtant ces colonies). Mais là les rapports des différentes classes, princes, bourgeois et paysans, ne sont plus les mêmes ; ces colonies apparaissent comme les rejetons les plus jeunes et les plus vigoureux du vieux tronc germanique dans des régions où tout était à créer au point de vue de la civilisation nationale. Cela leur permit de prendre une avance analogue à celle que prennent aujourd’hui, vis-à-vis des campagnes, les villes naissantes des États-Unis. Parvenues rapidement à une certaine prospérité, les villes, fondées par des colons, nouèrent ensemble des relations de commerce, longtemps avant que les habitants des campagnes pussent entrer en relation les uns avec les autres. Aussi jouèrent-elles un rôle plus considérable que les villes des régions germaniques d’où leurs habitants avaient essaimé. On peut en voir la preuve dans l’histoire de celles qui s’affilièrent à la Hanse.