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(le tome V en forme deux) de l’Histoire d’Allemagne qui sont déjà parus produisent d’abord une impression favorable. L’auteur se place à un point de vue élevé : il n’entend pas se borner à l’étude des faits historiques ou des acteurs principaux de l’histoire, il s’efforce de découvrir au fond du théâtre une scène moins animée, moins brillante, mais propre à retenir longuement les regards de ceux qui veulent connaître les ressorts souvent cachés qui ont agi sur les destinées du peuple allemand. Il ne s’attache pas trop à la psychologie des personnages, il ne leur fait dans son histoire qu’une part restreinte. Son ouvrage apparaît plutôt comme une sorte de physiologie sociale, où l’influence des causes économiques et physiques l’emporte sur l’action des causes morales et personnelles. L’individu cesse pour lui d’être le facteur principal du drame historique, il s’efforce visiblement de concentrer l’attention du lecteur sur le travail interne des causes physiques, ethnographiques et économiques. Il paraît être aussi de ceux qui pensent que l’historien a tort de chercher à « sonder l’âme des individus ou du peuple, » que les personnages ne font « qu’exprimer et personnifier les sentiments, les passions, les idées, les intérêts des classes et des partis qui les inspirent ou les poussent sur la scène. »

M. Pirenne a mis en relief le mérite de cette conception. J’ai pu moi-même, dans de longues et instructives conversations avec l’auteur, me convaincre de son désir de rechercher avec plus de soin que ne l’ont fait ses devanciers « les cellules premières de la trame historique » et de substituer à l’élément biographique, qui avait jusqu’ici tenu une si grande place dans les ouvrages des historiens, une étude largement conçue des institutions, de la vie juridique et des transformations économiques.

Au surplus, l’ouvrage de Lamprecht n’est pas seulement remarquable par cette façon neuve et intéressante de comprendre son sujet, il faut ajouter qu’il a aussi le mérite de n’avoir pas été écrit pour une catégorie particulière de lecteurs. L’auteur l’a rédigé surtout pour lui-même et s’est peu soucié de la façon dont il serait accueilli. Cette considération a été sans doute pour quelque chose dans son succès. « L’Histoire d’Allemagne » a été, en effet, dans les premiers temps qui ont suivi son apparition, l’objet d’appréciations élogieuses au moins de la part des journaux ou des revues qui s’adressent au grand public. On a loué l’auteur de faire une si grande place à l’histoire de la civilisation, de chercher avec tant de zèle à dégager les grandes causes des causes secondaires des événements historiques et à montrer que « l’état social » avait après tout une action prépondérante dans l’histoire de l’humanité. Cette première explosion d’admiration est la preuve que l’on sent

    Gesellschaft für rheinische Geschichtskunde et de la Westdeutsche Zeitschrift für Geschichte und Kunst. Il a collaboré activement aux Chroniken der deutschen Städte et s’occupe actuellement de la publication des Rheinische Urbare. M. Pirenne a indiqué plus haut les récents articles qui se rattachent étroitement à la Deutsche Geschichte.