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tion du fameux John Selden, le rival de Grotius, mort en 1654. C’est le ms. Arch. Seld. B. 24 ; il fut imprimé au xviiie siècle. L’évêque Tanner avait appelé l’attention sur lui, dans sa Bibliotheca Britannico-Hibernica, en 1748[1]. Un Écossais, William Tytler, le fit copier et le publia dans ses Poetical remains of King James the First en 1783. L’ouvrage a excité dès lors une vive admiration, tant pour le charme de la poésie que pour le caractère romantique du sujet ; il a eu plusieurs éditions, dont la meilleure est celle qu’a donnée M. Skeat : The Kingis Quair, together with a ballad of good counsel, by King James I of Scotland (Scottish Text Society, 1883-84).

M. J. T. T. Brown est l’auteur du premier ouvrage où l’authenticité du Kingis Quair ait été contestée. Son livre est intitulé : The Authorship of the Kingis Quair, a new Criticism ; il a été publié à Glasgow en 1896. Il contient une étude consciencieuse et détaillée du problème qu’il soulève et appelle l’attention sur divers points qui avaient passé inaperçus jusqu’ici et méritaient sûrement examen. M. Brown nie absolument que le poème soit l’œuvre du roi. D’après lui, il aurait été composé par un habile faussaire vers la fin du xve siècle. Le faussaire aurait pris pour sujet les amours de Jacques d’Écosse et de Jeanne de Beaufort ; il se serait inspiré, pour les faits, un peu de son imagination et un peu de la chronique d’Andrew de Wyntoun, et, pour maints passages poétiques, de la Court of Love, poème anonyme qu’on a longtemps attribué, mais à tort, à Chaucer. La « Cour d’Amour » est sûrement d’une date postérieure à la mort de Jacques[2] ; conséquence : le « Cahier » ne peut être de lui. Peu soucieux de gloire, le faussaire aurait attribué son poème à autrui : au héros de son œuvre, au roi Jacques ; choix d’ailleurs médiocrement heureux, puisqu’il aurait choisi, pour lui attribuer son poème, un roi qui, nous dit-on, à la différence de tant d’autres Stuarts, n’aurait jamais fait de vers. Quoi qu’il en soit, telle est la conclusion à laquelle s’est arrêté M. Brown et qu’il a maintenue en diverses

  1. Dans cet ouvrage, rédigé par ordre alphabétique, Tanner, au mot « Jacobus I rex Scotiæ, » attribue au roi divers écrits et notamment : « Lamentatio facta dum in Anglia fuit rex. Pr. Heigh in the hevyns figure circulare. Ms. bibl. Bodl. Selden, Archiv. B. 24 », p. 426. Ce début est en effet le premier vers du ms.
  2. Texte (e. g.) dans l’édition Richard Morris des œuvres de Chaucer, t. IV. M. Skeat le date de l’année 1500 ou environ.