Page:Revue historique - 1896 - tome 62.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grâce 1445, il était à Rouen, à l’hôtellerie du Griffon. Une partie de la matinée était écoulée. Il avait auprès de lui un serviteur et il attendait l’arrivée de Suffolk. Ce prince parut enfin et il entra, suivi de deux notaires apostoliques, de Thomas Gower et de Francesco Vittori, neveu du banquier. Il avait fait apporter les conventions imposées par la duchesse de Somerset et qui rappelaient à Jean ses suprêmes souffrances. Angoulême en subit une fois de plus la lecture. Garanties, échéances, restitutions, tout ce qu’on exigeait encore de lui, il l’accepta, résigné maintenant à ne refuser rien. On le conduisit dans l’église Saint-Antoine et on lui fit, sur le corps du Christ, devant une foule de bons témoins, renouveler tous ses serments. N’était-ce pas mettre Dieu du côté de la duchesse de Somerset ? On revint à l’hôtellerie. Il était moins d’onze heures du matin. — Le comte était libre[1].

Il ne quitta pas Rouen sans aller visiter Suffolk, auquel il rapportait fort justement son élargissement. « Ce n’est pas à nous qu’il faut et convient de rendre grâces, répliqua le duc, en substance ; mais, en vérité, à notre très cher et grand ami monseigneur le Bâtard d’Orléans, comte de Dunois. Nous lui sommes, depuis notre propre délivrance, à tout jamais obligé et tenu. S’il vous plaisait de prendre, messire et beau cousin, votre part et portion de la dette de notre gratitude, par saint Georges ! nous estimerions et croirions pouvoir l’acquitter mieux[2]. »

Jean, le jour même, suivit ce conseil. Il s’empressa d’adresser de Louviers, la première ville française où il arriva, ses remerciements émus au Bâtard[3].

Il n’ignorait pas, d’ailleurs, qu’il aurait encore besoin de son concours. Car, à prendre à la lettre les dernières stipulations, Jean n’était libre que sous condition : s’il parvenait à payer, avant le 1er avril 1446, les 90,000 écus réclamés avec la belle impudeur que l’on a vue[4].

Or, ni les premiers revenus domaniaux du comte, entré au mois d’octobre en possession de son patrimoine, ni les greniers à sel de Charles d’Orléans, ni l’aide accordée par le roi sur toutes les élections du royaume, ni même les générosités de Dunois ne permirent

  1. Pièce publiée par M. Durier, p. 2 et suiv. M. Durier la date à tort du 30 mars 1445 (a. st.). Elle est du 31 mars 1445, après Pâques, qui, cette année, tombait le 28 mars.
  2. Rev. doc. hist., 1877, p. 24-25.
  3. Ibid. ; cf. Arch. nat., J. 6478, 10-13 ; P. 1403, I, XXI.
  4. Ce qui était en effet stipulé dans les scellés dont nous avons parlé plus haut.