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On fit paraître, il faut l’avouer, assez de variété dans les moyens que l’on essaya pour délivrer le comte. Il en est deux auxquels on ne s’arrêta guère et trois sur lesquels on compta longtemps.

Charles VI avait promis autrefois au duc Louis d’Orléans de payer la rançon de ses fils si on les faisait prisonniers[1]. En conséquence, Charles d’Orléans députa au roi, sitôt le traité de Buzançais signé, une ambassade, comprenant ceux qui l’avaient négocié et plusieurs autres officiers[2]. Le roi examina la requête le jour anniversaire de l’assassinat de 1407. Il avait dans son conseil les ducs de Berry et de Bourbon, le comte de Vertus et le chancelier d’Orléans. Il n’accorda cependant qu’une aide de 40,000 liv. p. sur les domaines de Charles[3] ; Louis de France avait bien emporté dans la tombe le secret de sa prestigieuse influence sur le roi son frère. L’aide, du reste, se leva mal. On résista en maints endroits ; il fallut user de l’intervention royale et de la contrainte par corps[4].

Les malheurs publics qui venaient, dans ce moment, de desservir le comte d’Angoulême, faillirent, à en croire ses deux biographes[5], le sauver ailleurs : les Pères du concile de Bâle avaient déposé Eugène IV et lui cherchaient un successeur. Ils auraient voulu, paraît-il, avant de le fixer sur Amédée VIII, arrêter leur choix sur Jean d’Angoulême, dont le renom de vertu était déjà, assure-t-on, connu en Europe. Et une ambassade serait venue en Angleterre pour solliciter le consentement du comte. C’eût été, pour lui, sortir de captivité par une porte triomphale. Il refusa cependant ; peut-être parce que sa conscience lui disait que le Concile avait outrepassé ses droits ; peut-être par déférence pour Charles VII, qui demeurait dans l’obédience d’Eugène.

Malgré tout, ni l’intervention d’un roi de France ni l’élévation au siège pontifical n’entrèrent sérieusement dans les projets conçus pour la délivrance de Jean ; on pensait la faire aboutir ou par un simple compte financier, ou par un riche mariage, ou par un échange contre

  1. Arch. nat., K. 54, no 6 (4 juin 1392).
  2. Bibl. nat., Pièces orig. vol. 759, no 17254, p. 22 ; Ibid. vol. 909, no 20063, p. 5 ; vol. 986, no 21981. — Brit. Mus., Addit. chart. 3437.
  3. Brit. Mus., Addit. chart. 57, 234 et 3437 (Paris, 23 novembre 1412).
  4. Ibid., Addit. chart. 3443, 3463, 6327. — Arch. nat., K. 59, 6. — Bibl. nat., Pièces orig. 986, no 21981, p. 14 ; 2157, 7, 501 ; 2158, 8, 547 ; lat. 17059, 151-152.
  5. Papire Masson, Vita Joannis… Engolism. comit., citée, p. 17. — Ibid., Papirii Massonis libri duo de Episcopis Urbis… Parisius, 1586, in-4o, fol. 344 ro. — Jean Du Port, op. cit., p. 38-39 ; cf. Corlieu, 1576 (Michon), cité. — J. Du Port a pris son information dans le Secundus tomus conciliorum general. Paris, in-fol., 1524, fol. ccxx vo et ccxxi ro.