écrit pour lui, et sans doute un « Manuel de Salut[1]. » Et ce fut justement vers la philosophie pratique et vers Dieu que Jean se sentit irrésistiblement attiré. Il composa, lui aussi, une sorte de Recueil de maximes vertueuses[2] et il fit le commentaire des Distiques de Caton[3]. Il copia, analysa, annota de sa main la Consolation de Boëce[4]. Il était naturel qu’il cherchât à sa vie quelque soulagement dans le souvenir des tortures qu’endura ce sage. Comme le prisonnier de Théodoric, il faisait effort pour rendre son âme invulnérable ; comme lui, il aspirait à devenir indépendant des choses du dehors, à assurer la victoire de sa volonté sur la destinée présente. Et il nous a laissé la preuve touchante qu’il attacha très fortement son attention à ce mot du philosophe latin : « Les vrais malheureux sont ceux qui font le mal, non ceux qui le subissent[5]. » Faut-il douter qu’en essayant deux traductions de cette pensée, Angoulême fît un retour sur lui-même et songeât à sa propre condition ? Enfin, c’est surtout dans les bras de Dieu qu’il aimait plus qu’ailleurs à chercher le repos. Il demandait à son aumônier de l’aider à élever son cœur par la prière, à se hausser jusqu’à la vraie patrie chrétienne, celle dont nulle force humaine ne saurait le bannir[6]. Les Méditations de saint Anselme, qu’il transcrivait avec John Duxwurth, son copiste, le poussaient à humilier sa raison pour exalter sa foi et à s’abandonner sans réserve à la joie infinie de croire[7].
S’il eût craint de vivre longtemps dans les hauteurs sereines où le transportaient la musique, la philosophie, la religion, il lui aurait été facile de redescendre au milieu de ses contemporains, en ouvrant la Chronique de son temps que lui avait envoyée Cousinot[8].
Au reste, les misères pécuniaires, contre lesquelles il se débattait, auraient suffi à l’empêcher de sortir vraiment de son siècle et de
- ↑ J. Du Port, cité, p. 63. Cf. no 127, De l’inventaire manuscrit de la bibliothèque de Jean, que nous publierons prochainement.
- ↑ J. Du Port, cité, p. 64.
- ↑ Ibid.
- ↑ Invent. ms., cité, no 86.
- ↑ Ibid., Bibl. nat., lat. 6773, fol. 89. Le comte a cherché deux traductions de cette pensée.
- ↑ Brit. Mus., Addit. chart. 3493-3494. — Jean avait, malgré sa pauvreté, acheté à Londres le Rational des divins offices de Guillaume Durand, qui avait appartenu à Charles V. Bibl. nat., fr. 437. — Cf. Paulin Paris, mss. fr…, II, 57 et suiv. ; IV, 101 et suiv. ; VII, 278. — Hist. littér. de France, 1842, XX, 311-397 et 794-795. — Invent. ms., cité, no 2.
- ↑ Invent. ms., cité, no 43, 107-135. — Bibl. nat., lat. 3436.
- ↑ Invent. ms., cité, no 151. — Bibl. nat., fr. 5699. C’est d’après ce ms., ayant appartenu au comte et qui fut annoté par lui, que Vallet de V. a publié la chronique de Cousinot.