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ou leur influence, il était impossible de maintenir ses seigneuries indéfiniment à l’abri de l’invasion anglaise. En 1417, la Normandie était occupée, et ce fut Clarence lui-même qui prit Caen et Bayeux[1], deux villes dont les revenus appartenaient au duc captif[2]. Dans la Champagne, la recette des fiefs de Charles passait aussi aux mains de ses ennemis[3]. Il signa bien, en 1427, le 17 juillet, un traité de neutralité avec les Anglais, qui promirent de s’abstenir de tous actes de guerre pour l’Orléanais et les autres terres appartenant au duc[4]. Cette convention fut fort inutile, et le bâtard leur rappela tous leurs serments en pure perte[5]. Pour mettre le comble à tant d’infortunes, les domaines italiens de Charles, gardés des armes anglaises, n’avaient pas été à l’abri des convoitises du duc de Milan, Philippe Marie. Ce prince, après la mort du comte de Vertus, s’était emparé du pays d’Asti, sous couleur de le gouverner à la place du duc d’Orléans. Mais il entrait dans son dessein d’en ajourner à jamais la restitution[6].

On ne saurait, dès lors, être surpris que Charles fût hors d’état de payer pour la rançon de son frère d’Angoulême ce qu’il devait en son propre nom, en celui de Bourbon, en celui de Berry. Le malheureux duc vivait dans la détresse la plus cruelle. Ses finances furent continuellement embarrassées de 1415 à 1440. Il finit par tomber dans les mains des banquiers de Londres, de Bruges, de Gênes et d’Italie, qui le volèrent[7]. L’un d’eux, un Florentin, fit sa fortune par ce moyen : Giovanni Vittori, qu’on appelait Jean Victor. Le duc lui avait donné le titre, quelque peu ironique, de « gouverneur général de ses

  1. Th. Walsingham, Hist. anglic., II, 309, 322-323. — Redmanni, H. V., 50, 53. — Elmham, Lib. metr., p. 111, v. 329-333, p. 108-109, v. 283-294. — Waurin, II, 117-188, 235-236, 240-241. — Monstrelet, II, 82-83, 162. — Religieux, V, 96 et suiv., 541. — Lefebvre Saint-Remy, I, 225, 229-230. — Chron. anon. (Godefroy), 407. — Rymer, IV, p. ii, 114, 118, 135, 155. — Bibl. nat., nouv. acq. fr. 3642. — Cf. Brit. Mus., Addit. chart. 3459.
  2. Brit. Mus., Addit. chart. 3484.
  3. Cf. Beaucourt, op. cit., II, 13. — J. Quicherat, Aperçus nouveaux sur l’histoire de Jeanne d’Arc (Paris, 1850, in-8o), p. 15.
  4. Brit. Mus., Addit. chart. 334 : « L’abstinence de guerre…, dit Charles d’Orléans, que nous avions ordonné prendre avec lesd. Anglois pour nos païs et terres. » 26 août 1427.
  5. Nous avons quantité de preuves des ravages anglais ou bourguignons dans les domaines de Charles.
  6. Philippe Marie, duc de Milan de 1412 à 1447. Arch. nat., K. 58, 2, 3, 32, 33 ; K. 67, 32 ; K.68, 4. — Cf. lettre publiée par M. Léopold Delisle dans le Catalogue de la collection Bastard de l’Estang, in-8o (Paris, 1885), p. 136-140. — Catalogue Joursanvault 402, 438, 568. — Beaucourt, op. cit., III, 329-330, etc.
  7. Arch. nat., K. 64, no  3711, 12 ; J. 919, 26, fol. 21 ; J. 919, 25, fol. 8.