Page:Revue historique - 1896 - tome 62.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce premier malheur reçut, en 1415, son complément à Azincourt. Vainement, en livrant le comte d’Angoulême, on avait pensé que le traité de Buzançais serait le préliminaire d’une paix générale entre Henri IV et Charles VI[1], et que ce rapprochement favoriserait la délivrance de Jean. Le traité était à peine achevé que les relations franco-anglaises s’aigrirent. Clarence avait promis de s’éloigner sans pillage[2] : il se crut délié de sa parole quand lui fut refusé le supplément de 60,000 écus qu’il exigeait[3], et il dévasta impitoyablement la route qui, par Beaulieu, Champigny, le Poitou, le ramenait à Bordeaux[4]. On était bien loin de l’apaisement espéré. Les hostilités furent ensuite reprises entre les rois de France et d’Angleterre. Chacun sait quelle éclatante victoire, à Azincourt, put donner à penser qu’Henri V avait enfin réalisé le rêve de ses prédécesseurs : la domination de notre pays. De tous les événements politiques du temps, ce fut cette bataille qui porta le coup le plus terrible à la libération du comte d’Angoulême, puisque Charles d’Orléans et le duc de Bourbon demeurèrent au nombre des prisonniers[5]. Deux sur trois des princes dont dépendait la rançon de Jean allaient avoir à songer à la leur avant de s’occuper de la sienne.

En ce qui touche Bourbon, lequel semble bien n’avoir jamais payé, ni avant 1415 ni après, la moindre somme pour acquitter la dette de Buzançais[6], il importait assez peu qu’il fût captif ou non. Il en allait

  1. Arch. nat., K. 57, 28, cité : « Est accordé que certain jour se prendra… en la marche de Picardie pour traittier de paix finalle entre les deux royaumes… » Suivent les détails prévus pour l’entrevue.
  2. Voy. suprà, p. 43.
  3. « En haine de ce [qu’on lui refusait les 60,000 écus de supplément, Clarence et son armée] fisdrent des pilleries et rançonnemens tant qu’ilz peurent. » Arch. nat., J. 919, 25, fol. 5 vo.
  4. Juv. des Ursins (Godefroy), p. 245 : « Les Anglois, après ce qu’ils eurent eu le comte d’Engoulesme, tirèrent leur chemin vers Bordeaux et prenoient petis enfans, tant qu’ils pouvoient en trouver, et s’efforçoient de prendre places… » Arch. nat., J. 919, 26, fol. 14 ro et J. 919, 25, fol. 5 vo. — Beaulieu : Ibid., cf. Gall. christ., XIV, col. 285. — Champigny-sur-Vende, arr. de Chinon, cant. de Richelieu (Indre-et-Loire). — Ibid., Bordeaux : « Le duc de Clarence et les autres Sgrs de sa compagnie estans à présent en Bordeloys. » Bibl. nat., Pièces orig., vol. 759, no  17254, pièce 25. — Juv. des Ursins, op. et loc. cit. — En Poitou, on leva une aide pour repousser les Anglais. Arch. nat., K. 54, no  6. — Cf. en Languedoc, Monstrelet, éd. Douët d’Arcq, II, 305.
  5. Sur Bourbon, cf. Huillard-Bréholles, la Rançon du duc de Bourbon, Jean Ier, Paris, 1869, in-4o, et en outre les textes cités suprà.
  6. Nous avons plusieurs tableaux d’ensemble des sommes payées pour la rançon d’Angoulême : Brit. Mus., fonds Addit. 21, 359 (de 1412 à 1417). — Arch. nat., K. 59, no  4 (après le 17 décembre 1430) ; J. 919, no  25, 26, etc., passim. — Seuls, Berry et Orléans figurent sur ces comptes, non Bourbon. Et cependant