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terminer des contestations dans lesquelles des marchands, êtres errants et mobiles, étaient impliqués. Des diplômes nous parlent de la juridiction propre aux négociants de Constance, de Worms, de Bâle, etc.[1]. Fribourg-en-Brisgau est fondé suivant le droit des marchands de Cologne[2]. Beaumanoir mentionne d’anciens usages juridiques en matière de gage et de caution[3]. Si on lit les chartes urbaines du xiie siècle, on y apercevra clairement des vestiges de ce jus mercatorum primitif. On ne peut expliquer, en effet, qu’en admettant des emprunts faits à la coutume commerciale, l’introduction dans le texte de ces chartes, aussi bien en France qu’en Allemagne, d’articles instituant en faveur des marchands des règles de droit plus équitables et plus simples[4]. Il résulte en outre de cette dernière observation que, dans ses traits essentiels, le jus mercatorum constitue un droit absolument général ou, si l’on veut, international. Il s’est développé partout où il existait des mercatores. Il n’a pas sa source dans une législation nationale ; il n’appartient pas en propre à tel ou tel pays : ses origines sont purement économiques[5].

Ainsi s’est formé de très bonne heure, à côté et au-dessus du droit national et traditionnel, un droit nouveau et supplémentaire. Il s’est créé, en faveur des marchands, une coutume personnelle. Lentement, cette coutume va se fixer, se préciser, s’enrichir. Continuellement elle gagnera du terrain, jusqu’au jour où elle deviendra partie intégrante des libertés urbaines.

  1. Schulte, loc. cit. ; Waitz, loc. cit.
  2. Gengler, Stadtrechte, p. 125 : Si quando disceptatio vel questio inter burgenses meos orta fuerit, non secundum meum arbitrium vel rectoris eorum discucietur, sed pro consuetudinario et legitimo jure omnium mercatorum, precipue autem Coloniensium examinabitur judicio. Cf. Hubert, Das kölnische Recht in den Zähringischen Städten. Zeitschrift für Schweiz. Recht, XXII, p. 21. En Flandre, au commencement du xiiie siècle, à l’occasion de difficultés survenues aux foires de Messines, tous les marchands du pays sont représentés par les marchands d’Ypres et de Bruges. Diegerick, Inventaire des arch. de Messines, no  86.
  3. Beaumanoir, éd. Beugnot, II, p. 120. Il s’agit d’une coutume qui n’est plus appliquée qu’aux foires de Champagne, mais qui antérieurement « soloit corre el roiame de France. » Add., I, p. 357.
  4. Voyez, par exemple : Ancien droit de Strasbourg, § 30 ; Charte de Bruges, Warnkœnig-Gheldolf, op. cit., II, p. 420 ; Charte de Haguenau, § 18 (Gaupp, Stadtrechte, p. 99) ; Charte de Soissons (Ordonnances, XI, 220), de Vaisly (Ibid., p. 238), de Compiègne (Ibid., p. 241), de Sens (Ibid., p. 263), de Villeneuve en Beauvaisis (Ibid., p. 278), d’Amiens (Ibid., p. 266), de Crespy en Valois (Ibid., p. 305), de Senlis (Flammermont, Senlis, p. 158), de Diest en Brabant (Willems, Brabantsche Yeesten, I, p. 631). Add., Doren, op. cit., p. 27.
  5. Sur les origines du jus mercatorum dans les pays d’entre Rhin et Loire, voyez le travail très documenté mais malheureusement fort obscur de M. Mayer, cité plus haut, p. 78, n. 2.