des vestiges d’un état de choses ancien qui disparaîtront à la longue. L’essentiel, c’est que le marchand, en vertu de son caractère propre et par l’exercice même de sa profession, se trouve, dans la ville comme hors de la ville, ressortir à la juridiction publique.
La ville, en effet, comme nous l’avons vu plus haut, si elle n’est pas nécessairement un marché, est du moins partout et toujours une place de commerce. Les marchandises y affluent de toutes parts ; elle est un port, un débarcadère, une étape, un entrepôt (emporium). Naturellement, des droits de douane y sont perçus ; le tonlieu y fonctionne en permanence, prélevant sur la vente, l’achat ou le simple passage des denrées, des taxes de toutes sortes. Or, le tonlieu est un droit régalien ; il fait partie du comitatus et partout il appartient au seigneur haut-justicier, au comte ou au remplaçant du comte[1]. Il en va de même de son corollaire indispensable : la juridiction en matière de poids et mesures[2]. Elle aussi, à l’origine, est une justice comtale. Par là, inévitablement, tout acte de commerce dans la ville, quel qu’il soit et où qu’il s’accomplisse, ressortit à la juridiction publique. Partant, le commerçant, le marchand, acheteur et vendeur perpétuel, dans l’exercice ordinaire de son activité économique, se trouve exempté des tribunaux privés. On prend même des précautions minutieuses pour empêcher ceux-ci d’intervenir dans les opérations commerciales. Il est défendu de vendre ou d’acheter dans les cloîtres et les immunités[3]. Surtout, on prend bien garde que les clercs marchands, nombreux déjà au xie siècle, ne puissent, en se prévalant de leurs privilèges et du for ecclésiastique, échapper au droit commun. De très bonne heure, ils sont soumis à la forensis potestas s’ils veulent exercer le commerce[4].
- ↑ Voyez les textes relatifs à Toul et à Dinant, cités plus haut, p. 63, n. 4.
- ↑ Le texte suivant ne laisse aucun doute sur l’origine de la juridiction en matière de poids et mesures : Omnium potuum mensure, vini, medonis et cervisie ipsius (comitis) sunt, omnia genera ponderum eris, cupri, stagni, plumbi, etc., venalia sua sunt. De centenario ei quatuor denarii solvuntur, etc. ; Waitz, Urkunden, p. 22. Add. Guiman, Cartulaire de Saint-Vaast (éd. van Drival), p. 175.
- ↑ Exemple en 1057 à Amiens. Monum. de l’hist. du tiers état, I, p. 16.
- ↑ Item si aliquis ministerialis prepositi famulus, qui de familia aecclesiae fuerit vel beneficium de manu prepositi habuerit, sive apud villas, sive in Trajecto manens, vel si alicujus canonici serviens proprius vel precio conductus, qui in cotidiana sua familia et in conventu suo sit, aliquid in civitate peccaverit, nullum forense judicium sustinebit, nisi publicus mercator fuerit. Waitz, Urkunden, p. 38. Cf. Droit de Strasbourg, § 38. À Dijon, l’homme de Saint-Bénigne, qui de mercato se intromiserit, est sous la juridiction du duc de Bourgogne. Ducange, vo mercatus. Cf. Cod. dipl. Saxon., II1, no 50 : Thelonio
Flammermont, Senlis, p. 7 ; Gothein, Wirtschaftsgeschichte des Schwarzwaldes, I, p. 144.