Page:Revue historique - 1895 - tome 57.djvu/83

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tion[1]. En France, le roi agit de même[2]. De son côté, l’Église frappe de l’excommunication les détrousseurs de grands chemins[3]. Les princes territoriaux imitent ces exemples. De très bonne heure, on les voit prendre des mesures énergiques contre les pillards, veiller au bon ordre des foires et à la sûreté des marchands[4]. Au xie siècle, de grands progrès ont été accomplis, et des chroniqueurs constatent qu’il est des régions où l’on peut voyager avec un sac plein d’or sans risquer d’être dépouillé[5]. Dès lors, les marchands réapparaissent sur les routes et, la renaissance du commerce aidant, ils se répandent de proche en proche à travers toute l’Europe occidentale.

Si les marchands des premiers siècles du moyen âge sont surtout voyageurs, il est toutefois évident que, dans les intervalles de leurs courses ou pendant la mauvaise saison, ils résidaient à poste fixe en certains endroits. C’était naturellement dans les localités dont l’emplacement répondait le mieux, par la facilité des communications, aux nécessités du commerce, qu’ils se groupaient en grand nombre. Au ixe siècle, le long du Rhin, à Worms et surtout à Mayence[6], sur la Meuse, à Verdun[7] et à Maestricht[8], existent des colonies de marchands plus ou moins importantes. Au xe siècle, malgré la misère de l’époque, ces colonies n’ont pas disparu[9]. Certaines villes portent dans les sources le nom d’emporium[10]. On peut supposer que, dans un grand nombre d’entre elles, existait comme à Verdun un negotiatorum claustrum[11], une enceinte fortifiée derrière laquelle les marchands

  1. Waitz, op. cit., V, p. 395 et suiv. (éd. Zeumer).
  2. Je ne connais pas pour la France d’exemples aussi anciens que pour l’Allemagne. Cela s’explique facilement par la faiblesse des premiers Capétiens. Pour le xiie siècle, voyez, par exemple, Tardif, Monum. hist., p. 222, 258, 260.
  3. On sait que les paix de Dieu protègent tout particulièrement les marchands.
  4. La conduite des comtes de Flandre est particulièrement remarquable à cet égard. Voyez, par exemple, Herman de Tournai, Mon. Germ. Hist. Script., XIV, p. 283. — Chron. S. Andreae, ibid., VII, p. 546. — Galbert de Bruges, éd. Pirenne, § 9. Ajoutez des textes importants publiés dans les Kirchengeschichtliche Studien, de Sdralek, I2, p. 142.
  5. Bibl. de l’École des chartes, III, p. 228.
  6. Kœhne, op. cit., p. 12.
  7. Labande, Verdun, p. 9.
  8. Translatio SS. Marcellini et Petri, IV, 13.
  9. Dudon de Saint-Quenlin parle des negotiatores Rotomago habitantes. Giry, Établ. de Rouen, I, p. 3.
  10. Par exemple, Paris, Bruges, Dorstadt, etc.
  11. Negotiatorum claustrum, muro instar oppidi extructum, ab urbe quidem Mosa interfluente sejunctum, sed pontibus duobus interstructis et annexum. Les marchands avaient des magasins dans ce claustrum, car les chevaliers de la ville, pendant le siège de 985 (?), negotiatorum victus in usum bellicum acceperunt. Richer, Hist., III, 103. Cf. Waitz, op. cit., V, p. 412 (éd. Zeumer).