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que la plupart d’entre elles sont toujours restées de simples villages. C’est que, en fondant ces marchés, les souverains n’ont été guidés par aucune considération d’intérêt local. L’octroi d’un marché est une faveur accordée à tel fidèle, comte, évêque ou abbé, qui, par la perception du tonlieu et des autres droits utiles découlant de cet octroi, acquiert un supplément plus ou moins considérable de revenus[1]. L’arbitraire règne ici en maître. Il arrive que l’on institue jusqu’à trois foires dans un seul village perdu au fond des forêts[2], tandis que de grandes villes ne possèdent pas de marchés privilégiés ou n’en obtiennent qu’à une époque fort tardive. Citons entre autres, à cet égard, Worms, Spire et Mayence[3]. Rappelons que Tournai n’a eu de foire qu’en 1284[4], Leyde qu’en 1304[5], et Gand qu’au xve siècle[6] seulement. Il n’y a pas lieu, comme l’ont fait quelques-uns, d’accorder que les foires n’ont pas exercé d’influence sur le développement des villes, mais de revendiquer d’autant plus énergiquement cette influence pour les marchés de semaine[7]. Annuel ou hebdomadaire, le marché n’est qu’un ensemble de revenus utiles, et son emplacement est fixé, dans les deux cas, au gré de celui qui doit bénéficier de ces revenus. À l’origine, le mercatus hebdomanalis se rencontre, comme

    et des marchés d’Allemagne. Ils sont, les uns comme les autres, protégés par une paix spéciale, et les marchands qui s’y rendent sont sous la garde des pouvoirs publics (roi ou grand vassal) (Tardif, Monum. hist., p. 222, 258, 260). À Ypres, la foire se tient sub pace et tutela comitis (Galbert, Meurtre de Charles le Bon, éd. Pirenne, § 16), et les marchands, apprenant l’assassinat de celui-ci, s’empressent de fuir. Au xiiie siècle, le Parlement condamne encore les seigneurs dans la juridiction desquels les marchands ont été détroussés à réparer le dommage causé. Olim, I, p. 328, 565.

  1. La concession d’un marché entraîne en effet nécessairement la concession du tonlieu. Elle est, en outre, généralement accompagnée de la concession de la moneta. Sur le caractère purement fiscal des fondations de marchés pendant les premiers siècles du moyen âge, voyez Rathgen, Die Entstehung der Märkte in Deutschland, p. 15. Le mot mercatus est souvent synonyme de theloneum. Ibid., p. 19. Add. Prou, les Coutumes de Lorris, p. 35.
  2. Flach, op. cit., p. 96, n. 2.
  3. Kœhne, op. cit., p. 5.
  4. Le Muisit, Chronicon, p. 171 (De Smet, Corpus Chron. Flandr., II). Cf. Ordonnances des rois de France, XI, p. 358.
  5. Fockema-Andreae, Verteening der Stadrechten. — À Liège, la foire a été établie seulement en 1339. Hocsem, Gesta episcop. Leod., p. 452 (Chapeaville, Gesta episcop. Leod., II). Cf. Bullet. de l’instit. arch. liégeois, 1893, p. 41.
  6. Huyttens, Recherches sur les corporations de métiers, p. 155.
  7. Schulte, Gothein. Contre cette opinion, voyez Philippi, Zur Verfassungsgeschichte der Westphalischen Bischofsstädte, p. 4 et suiv. M. Sohm, Entstehung des Städtewesens, p. 19, n. 10, n’accorde aucune importance, quant à la formation des villes, à la distinction entre marchés annuels et marchés hebdomadaires.