Page:Revue historique - 1895 - tome 57.djvu/73

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Omer ou à Arras. Ailleurs encore, le castrum primitif est une forteresse laïque. C’est ce que l’on peut constater, entre autres, avec une netteté particulière, en Flandre, à Bruges, à Gand et à Ypres, ainsi que dans les urbes fondées par Henri l’Oiseleur le long de l’Elbe et de la Saale[1]. Du reste, ces villes n’ont pas échappé plus que les autres à la « loi de dispersion[2]. » Presque toujours, elles se partagent entre plusieurs juridictions spéciales. En Flandre, à côté de la terre du comte existe, à Bruges, celle de Saint-Donatien, à Ypres, celle de Saint-Martin, à Gand, celles de Saint-Pierre et de Saint-Bavon. Il est inutile d’insister longuement sur ce point. M. Flach a montré récemment, dans un tableau aussi précis qu’il est vivant et complet, que les villes du moyen âge, avant le xie siècle, n’ont été, pour ainsi parler, qu’une juxtaposition de pièces de rapport. Et cette vérité, si bien établie pour la France, se justifie non moins pleinement pour l’Allemagne[3].

Ce serait une erreur de croire que tout le sol de la ville ait été soumis exclusivement au droit domanial. En dehors des immunités et des terres privilégiées, s’exercent des justices qui, malgré des altérations profondes et en dépit de leur caractère héréditaire, se rattachent directement aux fonctions confiées jadis aux officiers publics : ce sont celles des comtes, des vicomtes, des avoués, des vidames, etc. Quelques textes fort curieux qui nous ont été conservés ne peuvent nous laisser aucun doute sur ce point. À Toul et à Dinant[4], on voit clairement que le comte conserve des attributions importantes et que toute une partie de la ville est régie en son nom. Dans ces endroits et dans beaucoup d’autres, les deux autorités publique et privée se touchent donc et se pénètrent, et à l’enchevêtrement des territoires correspond ainsi la multiplicité et la diversité des juridictions.

Il faut bien remarquer d’ailleurs que, privés ou publics, les pouvoirs qui s’exercent dans les villes ne sont pas de nature urbaine. Il n’y a rien à cette époque qui ressemble à une administration municipale[5], et encore moins peut-on y trouver quelques traces d’un droit

  1. Waitz, Jahrbücher Heinrichs, I, p. 95 et suiv. — S. Schwarz, Die Anfänge des Städtewesens in der Elb- und Saalgegenden.
  2. Flach, op. cit., p. 305.
  3. Rietschel, op. cit., p. 58 et suiv.
  4. Les textes, très importants, relatifs aux droits du comte dans ces trois villes ont été réimprimés par Waitz dans Urkunden zur deutschen Verfassungsgeschichte, 2e éd., p. 15 et 20.
  5. Le seul personnage dont le nom semble indiquer les fonctions comme proprement municipales est le burgrave. Mais il ne s’occupe pas, à vrai dire, de l’administration de la ville. Comme officier militaire, il a le soin des fortifications. Comme officier judiciaire, il exerce son pouvoir sur toute une circonscription territoriale. Les burgraves flamands, c’est-à-dire les châtelains, sont