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castrenses[1] chargés de la défense de la ville, puis les demeures plus simples de la familia. À côté des clercs, des religieux et des étudiants, vivent une foule de laïques employés à divers services[2]. Et, à la différence des princes féodaux, qui, avec leurs hommes, voyagent de château en château, consommant sur place et tour à tour les récoltes de leurs domaines, le seigneur de la ville épiscopale est sédentaire. L’évêque est fixé à demeure au siège de son diocèse. Ses déplacements sont rares et durent peu. Dès lors, il lui faut, pour lui et pour son entourage, des approvisionnements abondants et permanents. Il a besoin pour son entretien, comme pour celui de tous les clercs et de tous les laïques qu’il dirige ou qu’il emploie, de vastes celliers, de caves profondes et toujours pleines, de granges continuellement garnies[3]. Le siège de l’évêché forme le centre de l’exploitation des domaines ecclésiastiques. C’est vers lui que se dirigent, sous la surveillance des villici, les blés et les vins des pays environnants.

D’autre part, dans la ville même, sous le moustier, des hommes en grand nombre sont nécessaires à l’entretien de la cour épiscopale. Des servientes y sont chargés de cuire le pain, de fabriquer la bière, de tanner le cuir et de préparer le parchemin. On y rencontre des charpentiers, des charrons, des maçons, des serruriers, des armuriers, bref tous les métiers qui sont indispensables, à cette époque de stagnation commerciale, à tout grand domaine, mais qui sont ici plus indispensables que partout ailleurs[4]. Ajoutez à cela toutes les per-

  1. Sur ces milites castrenses et leur casernement dans la ville, voyez un texte curieux dans Vos, Lobbes, son abbaye et son chapitre, I, p. 383. Rapprochez, dans la charte de Saint-Omer, § 15, les custodes qui singulis noctibus per annum vigilantes, castellum S. Audomari custodiunt. Cf. Chron. S. Andreae. Mon. Germ. Hist. Script., VII, p. 527, et Gesta episcop. Camerac., ibid., p. 450.
  2. Ce sont les ministeriales. Ils ont été surtout nombreux en Allemagne, mais on les rencontre aussi en France. Les casati de l’évêque de Beauvais, par exemple, en étaient certainement, comme on le voit par la nomenclature des obligations auxquelles ils sont soumis. Voyez Labande, Hist. de Beauvais, p. 182 et suiv.
  3. Anselme, Gesta episcop. Leod. (Mon. Germ. Hist. Script., VII), parle des vastes celliers de l’évêque Éracle qui, au xe siècle, furent pillés par les Liégeois. La Chron. S. Huberti (Mon. Germ. Hist. Script., VIII), § 45, montre que les curiales des villes épiscopales sont habitués aux copiis rerum exteriorum.
  4. Le palais de l’évêque est encore au xe siècle, comme les palatia carolingiens, le centre d’une exploitation rurale. À Verdun, les fonctions du decanus épiscopal sont incontestablement celles de l’intendant d’un grand domaine. C’est ce que n’a pas vu M. Labande, dans son Étude sur l’organisation municipale de la ville de Verdun, p. 30. Cf. Schmoller, Strassburgs Blüte, p. 5 et suiv. Le palais épiscopal à Strasbourg porte parfois le nom caractéristique de Fronhof. De même, dans les villes laïques de Flandre, le château comtal renferme des magasins et des greniers. C’est un spicarium fortifié.