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Quant à l’attentat dont Mlle de Labarrère aurait été victime, il n’est pas nécessaire d’entrer dans de longues considérations pour montrer que, à le supposer vrai, il ne pourrait être historiquement établi : le huis-clos d’une part et les dénégations des seuls témoins d’autre part s’opposeraient à toute enquête. Aussi, dans le champ des conjectures auxquelles on est réduit, chacun est libre de se faire la conviction qu’il lui plaît. Pour nous, après avoir étudié cette affaire d’aussi près qu’il nous a été possible, s’il nous était permis de donner notre opinion, nous dirions que nous la croyons une fable éclose dans l’imagination affolée de quelques habitants de Dax. L’apparition des représentants escortés de la commission de Bayonne et suivis de la guillotine[1], le spectacle des exécutions qui signalèrent leur court séjour en cette ville[2], la vue de Mlle de Labarrère allant de Pinet à Cavaignac pour tâcher de les attendrir et de sauver son père, sans que ses démarches eussent réussi, il n’en fallait pas tant, surtout dans ce coin de terre méridionale, pour donner naissance à la légende que l’on sait.

Mais, aurait-on la certitude morale que l’attentat est purement imaginaire, tout ne serait pas dit pour cela. Il n’en resterait pas moins que l’un des deux accusés a cherché à se disculper au détriment de l’autre. Or, en bonne justice distributive, il ne suffit pas d’absoudre Cavaignac ; il faudrait voir aussi ce que vaut sa défense, par rapport à son collègue.

« Ce ne peut être que Pinet, car moi je n’étais pas là. » Tel est le fond de son système. Cet alibi, s’il était inattaquable, — et nous allons voir s’il l’est, — prouverait certainement en sa faveur ; mais il ne prouverait pas nécessairement contre son collègue, car celui qui était absent, qui n’a pas été témoin du fait, comment peut-il accuser l’autre ?

L’insinuation de Cavaignac est contredite par les dépositions de

    lier-Fleury (Portraits politiques et révolutionnaires, p. 439), « c’est Mallarmé qui décida que les prévenus de Verdun ne seraient pas jugés à Verdun, mais à Paris. » Cette assertion, donnée de souvenir par une femme alors presque enfant et sur de simples bruits de prison, ne nous paraît pas devoir prévaloir contre les textes très positifs de M. Wallon.

  1. Cf. Joseph Légé, les Diocèses d’Aire et de Dax ou le département des Landes sous la Révolution française (Aire sur l’Adour, 1875, 2 vol. in-8o), t. II, p. 10 ; — H. Wallon, les Représentants du peuple en mission, t. II, p. 409.
  2. La commission de Bayonne arriva à Dax le 19 germinal an II (8 avril 1794) au soir. Elle en partit dans la soirée du 23 germinal (12 avril), après y avoir fait guillotiner dix personnes (Joseph Légé, ouvr. et passage cités ; — Tarbouriech, Histoire de la commission extraordinaire de Bayonne ; Paris, 1869, in-8o ; ch. iii, le Procès).