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si le fait existe. Il n’est que Pinet qui puisse ou le désavouer ou en prouver la fausseté. J’étais à Orthès avec mon collègue Beauchamp, et je n’ai fait que passer à Dax au moment où Pinet y terminait ses opérations.

« Tels sont les faits extrêmement graves qu’il m’importait de détruire.

« … Mais, me dira-t-on, pourquoi ta signature est-elle au bas des arrêtés qu’on reproche à Pinet ?

« Qu’on ne perde pas de vue que j’étais uniquement chargé de l’organisation des troupes à cheval de l’armée des Pyrénées occidentales ; j’y organisais deux nouveaux régiments et j’y en complétais un troisième ; voilà quelle était ma mission ; voilà à quoi je m’occupais exclusivement.

« Pinet s’occupait seul et exclusivement de l’administration de l’armée et des mesures révolutionnaires. Nos bureaux étaient séparés ; chacun avait son secrétaire et ses expéditionnaires ; chacun avait ses registres ; il avait l’habitude de faire imprimer mon nom au bas de ses arrêtés, d’en envoyer même des expéditions au Comité de salut public, revêtues de ma signature, sans que je les eusse signées. J’ai de ce fait deux preuves écrites ; voici ce qu’il m’écrit de Saint-Sébastien à Élisondo, où j’étais à demeure, c’est-à-dire à quarante lieues de Saint-Sébastien, le 8 fructidor, deuxième année, après m’avoir fait part des motifs qui l’avaient engagé à dissoudre la junte de Guipuscoa : « J’ai pensé, me disait-il, qu’à tous les petits moyens employés par l’astuce et la faiblesse, il fallait opposer la grandeur et la fermeté ; j’ai donc tranché net, comme tu le verras par la proclamation ci-jointe, J’ai assez présumé de ton assentiment pour l’envoyer au Comité, revêtue de ta signature. Elle va être mise à l’impression ce soir, et tu en recevras sous peu des exemplaires. »

« Il m’écrivait encore du même endroit à Élisondo, le 23 fructidor, que, treize prêtres ayant voulu faire faire un mouvement dans Saint-Sébastien, il avait pris sur-le-champ un parti sévère ; il m’envoya en conséquence son arrêté du même jour, signé de lui ; il m’invita à le faire exécuter dans la vallée de Bastan ; ma signature n’y fut point apposée, car je l’ai encore en original revêtu seulement de celle de Pinet ; cependant la mesure n’en fut pas moins exécutée dans la Biscaye, L’arrêté imprimé porte, je crois, mon nom ; vraisemblablement aussi il en a été adressé au Comité de salut public une expédition avec ma signature ; voilà ce que j’ai tu jusqu’ici ; mais mon honneur, indignement attaqué plusieurs fois, me force de le révéler à mes collègues… »