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révolution démocratique que tous les habitants, par le fait de la résidence et la prestation du serment de commune, ont tous participé au même titre à la bourgeoisie.

Plusieurs auteurs accordent à cette obligation imposée au bourgeois d’être propriétaire une importance considérable. Ils y voient la preuve que la commune urbaine est fille de la commune rurale. D’après eux, de même que, pour être de plein droit membre du village, il faut y posséder une exploitation agricole, de même, pour être membre de la ville, il faut être détenteur d’une partie de son sol. Il paraît probable, pourtant, que cette théorie repose sur une base insuffisante et qu’elle accorde à des ressemblances extérieures une valeur exagérée.

Remarquons tout d’abord que la propriété exigée des bourgeois n’est pas nécessairement une propriété foncière. À Fribourg-en-Brisgau, elle doit seulement consister en biens propres valant au moins un marc, sans qu’il soit rien spécifié quant à la nature de ces biens[1]. À Laon, la charte prévoit le cas de personnes ne possédant pas d’hereditas, c’est-à-dire de fonds de terre, mais jouissant d’une fortune mobilière considérable, acquise dans le commerce[2]. Le même acte stipule encore que celui qui viendra s’établir dans la paix devra acheter des immeubles avant la fin de l’année ou transportera en ville une partie de ses biens meubles[3]. Dans d’autres textes, on voit que ce qui est requis du bourgeois, c’est non pas la possession du sol, mais la possession d’une maison[4], et l’on sait que, pendant longtemps, les maisons ont été considérées non comme immeubles, mais comme meubles.

Ce sont tout d’abord des motifs d’ordre administratif et d’ordre juridique qui ont fait dépendre la qualité de bourgeois de celle de propriétaire. Nous avons vu plus haut que le bourgeois doit être nécessairement soumis à l’impôt et que la liste des contribuables est en même temps celle des citoyens[5]. Dans ces villes, dont tous les

  1. Gengler, Stadtrechte, p. 129. Add. Charte de Vienne, ibid., p. 530.
  2. Quicumque in pace ista recipietur infra anni spacium aut domum sibi edificet, aut vineas emat aut tantum sue mobilis substancie in civitatem afferat, per que justiciari possit, si quid forte in eum querele evenerit. Giry, Documents, p. 18.
  3. Si vero nec vir nec mulier habuerint hereditates, sed de mercimoniis questum facientes, substantia ampliati fuerint. Ibid.
  4. Charte d’Abbeville, § 8. Monum. de l’hist. du tiers état, IV, p. 10.
  5. Voyez p. 303. Add. Charte de Middelburg. Kluit, Historia critica comitatus Hollandie, III, p. 296 : Nullus in Middelburch manens potest testimonium dicere, qui neque terram neque domum in Middelburch habuerit, nec in charta tributi invenietur.