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quiert maintenant, en premier lieu, par l’habitation. Nul n’appartient à la ville s’il n’établit dans la ville sa résidence, s’il n’y est couchant et levant[1]. Bref, le citoyen existe par la ville et non, comme dans l’antiquité, la ville par le citoyen. Et l’on a remarqué ingénieusement que, tandis qu’en latin le mot civitas vient de civis, dans les langues modernes, au contraire, les mots bourgeois, bürger, citizen et cittadino sont formés des mots bourg, burg, city et citta[2].

Mais la résidence habituelle dans la ville ne suffit pas pour acquérir la bourgeoisie. Une seconde condition est nécessaire : l’entrée dans la commune. Nul n’est bourgeois s’il ne prête le serment communal[3], s’il ne se déclare solidaire des autres bourgeois, s’il ne vient se perdre, en quelque sorte, dans l’unité corporative que constitue la ville. On comprend du reste facilement que cette seconde condition est inséparable de la première. Le serment fonde, en effet, les droits et les devoirs du bourgeois. Il est la garantie indispensable de la fidélité et de l’obéissance de chacun au gouvernement municipal. Aussi ne dépend-il pas des volontés particulières de le prêter ou de s’en dispenser. Tout nouvel habitant est obligé de faire partie de la commune et il n’en peut sortir que d’une manière : en émigrant.

À côté de ces deux conditions essentielles de la bourgeoisie, on en rencontre encore une autre à l’origine : le bourgeois doit être propriétaire[4]. On trouve cette clause mentionnée expressément dans un grand nombre de chartes et, dans beaucoup de villes, les membres de la bourgeoisie primitive portent le nom caractéristique de homines hereditarii, de bourgeois héritables[5]. Ce n’est qu’à partir de la

  1. Voy. p. 298, n. 1.
  2. Gierke, Genossenschaftsrechte, III, p. 579. Le véritable nom de l’habitant de la civitas est civitatensis, dans le latin du moyen âge.
  3. Nemo ultra annum et diem infra civitatem manere debet nisi juratus communie ; nec interim nec etiam priusquam juraverit, aliquam habebit libertatem civitatis ; et non debet recipi in communia nec eam jurare, nisi per majorem et eschevinos quando sedent in eschevinagio suo ; postquam vero juraverit, habebit libertates civitatis. Établissements de Rouen, § 30 (Giry, II, p. 38). Cf. Charte de Senlis (Flammermont, p. 160). Charte de Beauvais, § 1 (Giry, Documents, p. 7). C’est par suite du serment communal obligatoire que le mot juratus a dans un grand nombre de textes le sens de burgensis (par exemple à Rouen, Amiens, etc.). En Allemagne, la cloche communale s’appelle parfois Eidglocke, à cause du serment prêté par les bourgeois de se défendre mutuellement. Gengler, Stadtrechts Alterthümer, p. 41. Add. Gierke, Genossenschaftsrecht, III, p. 693.
  4. Sohm, Die Entstehung des deutschen Städtewesens, p. 61. Charte de Laon, § 28. Giry, Documents, p. 18. Lefranc, Hist. de Noyon, p. 52.
  5. Warnkœnig-Gheldolf, Hist. de Flandre, III, p. 247, 255. Gierke, Genossenschaftsrecht, III, p. 692. Giry, Saint-Omer, p. 372. Willems, Brabantsche Yeesten, I, p. 361.