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tères n’appartiennent pas au sol urbain, de même leurs habitants. Le for ecclésiastique est seul compétent pour les clercs. La profession monastique enlève l’homme à la population laïque et partant au droit laïque. À côté du clergé, la noblesse se trouve souvent aussi en dehors de la commune. Ici, il est vrai, on se trouve en présence d’un état de choses plus compliqué. Dans certaines villes, les chevaliers appartiennent à la commune ; dans d’autres, ils en sont exclus. Il en est de même des ministeriales. On sait que, dans les villes épiscopales d’Allemagne, les ministeriales ont joué souvent un rôle considérable. Dans plusieurs cités, ils disposent même, dans le conseil, d’un certain nombre de sièges. Dans les villes nouvelles, au contraire, il leur est interdit d’entrer dans la commune. Cette mesure est prise évidemment dans l’intérêt des bourgeois. On veut empêcher par là que les ministeriales, en invoquant le droit particulier dont ils jouissent et en se réclamant de leur seigneur, ne puissent entraver, à leur profit, l’exercice du pouvoir communal et entraîner la ville dans des conflits incessants[1].

Clergé et noblesse vivent donc, l’un régulièrement, l’autre très fréquemment, en dehors de la bourgeoisie. Il va de soi qu’il en est de même, à l’origine, de certains groupes d’hommes qui, appartenant en propre soit à des nobles soit à des établissements religieux, ont été, lors de la formation de la commune, placés en dehors d’elle. Mais cette situation n’a pas duré. Assez tôt, les villes ont acheté la juridiction sur ces personnes et les ont soumises à leur droit[2].

La bourgeoisie, arrivée à son complet développement, ne constitue plus, comme au début, une classe d’hommes appartenant tous à la même condition sociale. Bien que, pour la plus grande partie, la population urbaine se compose de marchands et d’artisans, elle renferme aussi cependant des rentiers, des agriculteurs, etc. Ainsi, il n’y a plus synonymie, à partir du xiie siècle, entre les mots mercator et burgensis. De personnel qu’il était à sa naissance, le droit urbain, nous l’avons vu, est devenu territorial. La qualité de bourgeois s’ac-

  1. Nullus de ministerialibus vel hominibus domini in civitate habitabit vel jus civile habebit, nisi de communi consensu burgensium, ne quis burgensis illorum testimonio possit offendi, nisi predictus dominus civitatis libere eum dimiserit. Charte de Fribourg. Gengler, Stadtrechte, p. 126. Milites debent tractari per dominum suum et per leges curie superioris, burgenses vero per scabinos pacis judicari tenebuntur. Charte de Valenciennes. Gislebert, Chron. Hanon., éd. in-8o, p. 310. Cf. Gothein, Wirthschaftsgeschichte des Schwarzwaldes, I, p. 150. Cf. Lefranc, Luchaire, loc. cit. Charte d’Abbeville. Monum. de l’hist. du tiers état, IV, p. 12. L’exclusion des milites semble être stipulée, dans ce texte, au profit du seigneur.
  2. Voy. p. 92 et suiv.