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il est arrivé fort souvent que le conseil a reçu de l’État une véritable délégation de la justice publique. Il en est ainsi particulièrement dans les villes françaises où les jurés exercent la juridiction de paix qui, dans beaucoup d’autres villes, appartient au tribunal seigneurial[1]. Il faut remarquer, de plus, qu’il y a eu des villes où c’est le tribunal seigneurial qui a fini par devenir le conseil et où la distinction s’est presque complètement effacée entre le pouvoir public et le pouvoir communal.

Il nous reste, après avoir étudié la formation du tribunal urbain et celle du conseil, à dire un mot de la population à laquelle s’applique le pouvoir de ces deux magistratures. Cette population est la bourgeoisie[2]. Tandis qu’à l’origine elle ne comprenait que le groupe des mercatores[3], elle se compose maintenant, en principe, de tous ceux qui résident dans l’enceinte des murs de la ville[4]. Je dis en principe, car, en vertu de leur situation particulière, divers groupes d’hommes échappent à la règle générale.

Tout d’abord, le clergé, à l’exception des clercs marchands, ne fait pas partie de la bourgeoisie[5]. De même que les cloîtres et les monas-

  1. Voyez plus haut, p. 313, n. 1.
  2. Le mot burgensis n’apparaît pas avant le xie siècle. Dans l’Empire, on le trouve pour la première fois dans la charte de Huy en 1066. Waitz, op. cit., p. 406 (éd. Zeumer). Le mot est certainement d’origine française et a passé de France en Allemagne, comme tant d’autres, par la Lotharingie. La première mention que j’en connaisse appartient à l’année 1007. Flach, op. cit., II, p. 170.
  3. Voy. plus haut, p. 74.
  4. Gislebert, Chron. Hanon., éd. in-8o. Baudoin V décide ut nemo burgensis ulterius esset si in burgo non maneret. Warnkœnig-Gheldolf, Hist. de Flandre, III, p. 246 : hii qui continentur et manent infra quatuor portas de Gandavo. — « Borgois de le cartre d’Arras, manans dedens les murs u borgois de Saint-Omer dedens les murs manans. » Taillar, Recueil d’actes en langue romane wallonne du nord de la France, p. 22. Add., plus haut, p. 300. Cf. la stipulation donnant la qualité de bourgeois après résidence d’an et jour dans la ville. Sur l’obligation pour le bourgeois de résider en ville, voyez d’intéressants détails dans Labande, Verdun, p. 19.
  5. Pour les clercs marchands, voyez p. 79, n. 4. Quant au reste du clergé, il est, en principe, en dehors de la commune. De bonne heure pourtant on s’efforce de le soumettre à la juridiction de celle-ci. Voyez Établissements de Rouen, § 21 (Giry, II, p. 28). Les servientes proprii des chapitres et des monastères ont été aussi à l’origine soustraits à la juridiction municipale (Waitz, Urkunden, p. 37). Cette situation a été cause, pendant le xiiie et le xive siècle, de conflits incessants. Partout, cependant, on est arrivé à la longue à un modus vivendi. Par exception, dans certaines localités, les clercs ont fait partie de la commune. Il en était, par exemple, ainsi à Corbie. Monum. de l’hist. du tiers état, III, p. 426. Cf. Lefranc, Hist. de Noyon, p. 47. Luchaire, Communes françaises, p. 62.