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À l’origine, le contrôle de l’activité économique faisait partie intégrante du tonlieu[1]. À Dinant, au xie siècle, c’est comme détenteur du tonlieu que le comte règle l’exercice du commerce. Or, on sait que le tonlieu a été abandonné aux bourgeoisies. Le conseil s’est trouvé, par là, en possession d’un pouvoir qui appartenait primitivement à l’État. Dans ses mains, la juridiction commerciale a perdu son ancien caractère fiscal. On s’en aperçoit tout de suite au nouveau système d’amendes qui en est la sanction. La juridiction en matière de poids et mesures, que le conseil possède dans beaucoup de villes, n’est qu’une manifestation particulière de cette juridiction commerciale. Comme faisant partie de la justicia thelonei, elle appartenait primitivement au seigneur : elle est maintenant à la ville[2].

Les attributions primitives du conseil se résument dans les quelques points que nous avons examinés jusqu’ici. Gardien de la législation municipale, détenteur d’une juridiction autonome en matière de police, régulateur de l’exercice du commerce et de l’industrie, le conseil est, à ces divers points de vue, profondément différent du tribunal qui représente, dans la ville, la juridiction publique. Mais il faut se garder de croire que cette distinction théorique se reconnaisse facilement dans la pratique. Si, par ses caractères essentiels, le conseil est une magistrature communale, il est bien rare que les pouvoirs qu’il exerce soient purs de tout alliage. À mesure que l’indépendance urbaine grandit, il acquiert une portion plus ou moins considérable des pouvoirs de l’autorité publique. Dans chaque ville, il se présente ainsi comme une magistrature complexe ; par-dessus ses attributions primitives et essentielles, d’autres attributions, comme autant d’alluvions successives, sont venues se déposer et modifient plus ou moins profondément le type primitif de l’institution.

Tout d’abord, dans un très grand nombre de cas, le conseil a acquis une juridiction civile, concurrente en quelque sorte de celle du tribunal urbain. En matière de contrats, de dettes, de location, etc., on peut plaider aussi bien devant l’une que devant l’autre des deux juridictions. Il faut chercher, semble-t-il, l’explication de ce fait dans le pouvoir officieux d’arbitrage en matière de contestations peu importantes que le conseil a possédé de bonne heure[3]. Du reste,

  1. Rathgen, Entstehung der Märkte, p. 45.
  2. Sur le caractère de la juridiction en matière de poids et mesures, voyez le travail récent de G. Küntzel, Ueber die Verwaltung des Maas- und Gewichtswesens während des Mittelalters. Leipzig, 1894. Cf. Liy. Centralblatt, 1894, p. 1797.
  3. Pirenne, Dinant, p. 76. Muller, Recht en Rechtsspraak te Utrecht, p. 88. Reinhold, Verfassungsgeschichte Wesels, p. 89. Esmein, Précis de l’histoire du droit français, p. 292.