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à supporter les frais qu’entraîne infailliblement l’administration de toute agglomération d’hommes. Pour faire observer ces droits et ces devoirs, pour maintenir ces privilèges, pour exercer cette administration, il faut que la commune établisse une magistrature permanente, émanant d’elle et agissant en son nom. La garde de la commune (communis custodia), la gestion de la république, provoquent ainsi la création du conseil municipal. Ce conseil n’est autre chose qu’une délégation de la bourgeoisie. Le peuple est la source de son pouvoir. Jurés, pairs ou conseillers ne sont que les mandataires de la commune. Elle leur délègue une autorité qu’elle ne peut directement exercer elle-même, mais elle n’abdique pas entre leurs mains. Nommés pour un temps très court, les conseillers nous apparaissent comme les serviteurs de la ville. Ce n’est pas une prérogative enviée que de faire partie du conseil : c’est un devoir et un devoir très lourd auquel nul ne peut se soustraire. Simples gardiens de la ville, les mandataires de celle-ci ne forment pas encore, à l’origine, un corps de magistrats. Ce n’est que plus tard, quand la constitution se développe, quand l’administration se complique et quand le gouvernement prend un caractère aristocratique, que nous les voyons constituer un véritable collège, un conseil fermé, sur lequel l’influence du peuple ne se fait plus sentir que très faiblement. Au début, il en allait tout autrement. Les magistrats n’étaient qu’un groupe de personnes nommées par la ville, très semblables aux select-men des villes américaines, simples exécuteurs de la volonté populaire. Ce qui le prouve, c’est qu’à l’origine il leur manque un des caractères essentiels de tout corps constitué, je veux dire une autorité centrale, un président. Les bourgmestres sont, en effet, de création relativement récente. Les jurés, les délégués de la ville existent depuis une époque bien plus ancienne. Ils appartiennent à une période où l’esprit des institutions tend à se modifier, où l’on sent le besoin d’une centralisation plus grande et d’un pouvoir plus indépendant. Avec les jurés, le bourgmestre ou le maire[1] forme le corps de ville, incarnation de la commune, agissant souverainement en son nom, symbolisant son pouvoir comme le roi symbolise le pouvoir de l’État.

Nous ne possédons pas de détails très abondants ni très précis sur les fonctions primitives des mandataires de la ville, et cela s’explique aisément. Comme ils ne sont pas des magistrats publics, les chartes communales n’en font guère mention. Pourtant, en combinant les données éparses dont nous disposons, nous arrivons à nous faire une idée de leurs attributions originelles.

  1. Il ne s’agit évidemment ici que des maires communaux, et non des maires seigneuriaux, qui sont des fonctionnaires publics.