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Toutes l’ont reçu du seigneur, c’est-à-dire de l’État. Seulement, tandis que dans plusieurs d’entre elles ce droit a pour organe le tribunal ordinaire (échevinage), dans beaucoup d’autres, et spécialement dans les villes françaises, il est placé sous la sauvegarde de la commune[1] et confié par conséquent aux délégués de celle-ci, c’est-à-dire aux jurés.

Partagée à l’origine entre plusieurs corps différents, la juridiction urbaine ne tarda pas à tendre à l’unité. Il arrive fort souvent qu’un tribunal accapare complètement ou presque complètement la compétence du tribunal voisin. En France, dans les localités où échevins et jurés se trouvent en présence, les premiers ont disparu très souvent, dès le xiiie siècle, à l’avantage des seconds[2]. En Allemagne, dans beaucoup de villes, les consules[3] ont réussi de même à supprimer ou à se subordonner les corps judiciaires qui, à l’origine, fonctionnaient à côté d’eux. Il ne nous est pas possible d’entrer ici dans le détail des transformations accomplies[4]. Il doit nous suffire d’avoir reconnu, dans les communes, l’existence d’une juridiction publique. Et cette juridiction, remarquons-le en terminant, est inséparable, au moyen âge, de l’existence même de la ville. Si elle manque, au sens

    tout on rencontre les mêmes châtiments caractéristiques : arsin, abatis de maison, mutilation, etc. Cette similitude s’étend même à des détails de fort peu d’importance. La stipulation d’après laquelle l’honnête homme qui donne un soufflet à un valet ou à une femme de mauvaise vie ne peut être condamné du chef de paix brisée se retrouve à Laon (Giry, Documents, p. 18) ; à Schwerin (Gengler, Stadtrechte, p. 432) et à Vienne (Ibid., p. 533).

  1. Ceci s’explique sans doute par le fait que les constitutions urbaines se sont fondées en général en France par la violence et que le roi, ayant souvent pris le parti des villes contre leurs seigneurs, a directement traité avec les communes et les a constituées gardiennes du droit urbain. Dans beaucoup de villes françaises, les jurés sont moins les juges de la paix que les exécuteurs de la vengeance de la communauté contre celui qui la trouble (Giry, Saint-Quentin, p. 32). Il faut constater d’ailleurs que ce droit de vengeance des communautés n’est pas propre aux villes. On le trouve déjà dans les Leges de Burchard de Worms au xie siècle (Walter, Corpus juris germanici, III, p. 779). Cf. Tardif, Monuments historiques, p. 181 et surtout p. 196.
  2. On constate en Flandre le phénomène contraire : le corps des jurés est absorbé par l’échevinage.
  3. Il semble que dans beaucoup de villes allemandes les consules, comme tribunal public, ont été surtout juges de la paix. Voyez, par exemple, pour Worms, les Annales Wormatienses. Mon. Germ. Hist. Script., XVII, p. 40. Cf. K. Schaube, Zur Entstehung der Stadtverfassung in Worms, Speier und Mainz (Breslau, 1892), p. 41, 67.
  4. La constitution judiciaire des villes neuves est plus simple que celle des villes anciennes. On n’avait pas à compter ici, en effet, avec les survivances du passé, et on a pu du premier coup créer un type clair et logique. Voyez à cet égard la charte, déjà souvent citée, de Fribourg-en-Brisgau.