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Il faut se hâter maintenant de reconnaître que, dans beaucoup de villes, il n’a pas existé un tribunal unique. Très souvent, la juridiction est exercée concurremment par diverses magistratures. Nous parlerons plus loin de la juridiction proprement communale, mais nous avons à constater ici, pour être complet, que la juridiction publique elle-même est, en bien des cas, répartie entre divers groupes de magistrats dont il est souvent difficile de fixer exactement la compétence respective et les rapports réciproques. Parfois, cette multiplicité des justices doit être attribuée à des causes historiques qu’il appartient aux monographies locales de découvrir. Ailleurs, dans certaines villes françaises particulièrement et dans le groupe des villes liégeoises et lorraines, elle paraît répondre assez exactement à la double nature du droit urbain, à la fois droit civil (jus civile) et droit de paix.

Dans les villes auxquelles je fais allusion, à Noyon, à Saint-Quentin, à Laon, à Beauvais, à Amiens, à Metz, à Verdun, à Liège, à Huy, à Dinant, etc., on rencontre, à côté de l’échevinage, le corps des pairs ou des jurés. Tandis que le premier se présente clairement à nous comme une juridiction publique, on pourrait être tenté, au premier abord, de considérer le second comme l’organe d’une juridiction purement communale et profondément différente de la juridiction publique. Ce serait là une erreur complète. Sans doute, la ville prend une part bien plus directe à la nomination des jurés qu’à celle des échevins, sans doute aussi, tandis que les fonctions de ceux-ci sont, en règle générale, à vie, celles de ceux-là sont presque toujours annuelles[1]. Mais il reste vrai que, malgré ces différences considérables, la juridiction des jurés en tant que jurati pacis constitue une juridiction publique. Le droit de paix dont jouit la ville n’a rien, en effet, d’un droit communal. Il est essentiel à toutes les villes[2].

    constituant l’échevinage disparaître devant les bourgeois (p. 97). À Arras, à l’époque où écrit Guiman (c. 1170), l’échevinage est composé en partie de membres de la familia de Saint-Vaast et en partie de bourgeois (Guiman, op. cit., p. 180). Ailleurs, un échevinage de centène ou un consilium épiscopal a pu recevoir des attributions nouvelles. C’est ainsi qu’il faut expliquer sans doute, dans plusieurs villes allemandes, la présence de ministeriales dans le tribunal urbain. On sait du reste qu’il n’y a rien de plus varié que la composition des magistratures urbaines. Mais, quelles que soient les différences de détail, les survivances, les bizarreries, il ne peut être question de tribunal urbain que du jour où la ville forme une circonscription judiciaire nouvelle, une centène privilégiée dans la centène où elle était comprise antérieurement.

  1. Il y a pourtant de nombreuses exceptions. En Flandre, à partir du xiie siècle, les échevins sont nommés pour un an.
  2. Il est intéressant de constater combien le droit de paix présente les mêmes caractères dans des villes dont la constitution est pourtant fort différente. Par-