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La personne de chacun disparaît complètement dans l’ensemble. Les hommes, dans la cité du moyen âge, nous apparaissent comme les parties indivisibles d’un puissant organisme.

Bien des causes ont contribué à constituer la commune.

Tout d’abord, la paix a dû exercer sur sa formation une influence considérable. L’établissement de la paix, en effet, a pour sanction le serment. Il suppose une conjuratio de toute la population urbaine[1]. Le serment est partout une des conditions nécessaires de la qualité de bourgeois. Et ce serment ne se réduit pas à une simple promesse d’obéissance à l’autorité municipale. Il entraîne des obligations étroites. Il fonde pour le juratus le devoir strict de maintenir et de faire respecter la paix de la ville. Au cri de : Commune ! Commune ! chacun doit abandonner ses occupations et courir prêter main-forte à l’appelant[2]. Ainsi, par le fait que la paix s’étend à toute la population urbaine, celle-ci se trouve constituer une communio. À Laon, paix et commune sont des termes synonymes. À Verdun, nous rencontrons des wardours de la paix, à Lille un reward de l’amitié, à Valenciennes, à Cambrai, des jurati pacis[3]. Les noms mêmes que portent les chefs de l’association municipale nous permettent donc de voir dans quel rapport intime celle-ci se trouve avec l’institution de la paix.

Quelque prépondérante qu’ait été son importance, il serait excessif de considérer la paix comme l’unique cause de la commune. Rappelons-nous ce que nous avons dit plus haut de l’évolution de la coutume urbaine. Nous avons vu celle-ci supprimer successivement les vieilles justices, les droits domaniaux, les charges pesant sur le commerce, sur les terres, sur les personnes et leur substituer un droit nouveau en harmonie avec une condition sociale nouvelle. Mais il va de soi que ce résultat n’a pas été obtenu sans luttes et sans efforts. Pour vaincre, les bourgeois n’avaient qu’un moyen : l’association. Tous, libres et serfs, se sont donc réunis en commune. Les paroles si souvent citées de Guibert de Nogent montrent clairement que la commune a été l’instrument employé par eux pour se débarrasser des coutumes et des exactions féodales[4]. À Saint-Omer, on ne peut

    nec bona communia, nec archam communem. Esmein, Cours d’histoire du droit français, p. 296, n. 1. Il s’agit de Nevers, qui, n’ayant pas de constitution urbaine, ne peut être proprement considérée comme une ville.

  1. Si vero cives pacem servare juraverunt. Gengler, Stadtrecht, p. 373. Charte de Laon (Giry, Documents, p. 15) : eandem pacem ipsis concessit et sacramento confirmari fecit.
  2. Charte de Beauvais. Giry, Documents, p. 7. Charte d’Amiens, ibid., p. 21.
  3. Sur tout ceci, voyez plus haut, p. 296 et suiv.
  4. Luchaire, Communes françaises, p. 14. Add. Guibert de Nogent, p. 515 :