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ne servaient qu’à empêcher les voleurs du plat pays de faire irruption dans la ville. C’est seulement, en règle générale, à partir du xiiie siècle que l’on voit les fortifications urbaines acquérir un caractère militaire et pouvoir résister à de longs sièges.

L’enceinte du faubourg est l’œuvre des habitants, non du seigneur. À celui-ci suffit son castrum, et il ne se préoccupe guère des grossières palissades élevées par les bourgeois. Il leur laisse le soin de se défendre eux-mêmes et à leurs frais. Nous avons vu, en effet, qu’à Saint-Omer, la gilde prélève sur sa caisse des fonds affectés aux fortifications de la ville[1].

Destinée exclusivement à mettre à l’abri des détrousseurs de grands chemins les marchands et les marchandises, l’enceinte de la ville est construite en dehors de toute préoccupation stratégique. Partant du château seigneurial, elle y revient par un circuit, en contournant au plus près le faubourg commercial. Habituellement elle communique par une porte avec le château. D’autres portes s’ouvrent sur les grandes routes qui donnent accès à la ville et qui, se prolongeant dans celle-ci pour aboutir au marché, en tracent les rues principales[2]. Le mur de la ville s’adapte exactement à l’agglomération urbaine. Il s’agrandit à proportion qu’elle augmente. Il en suit fidèlement les mouvements. À mesure qu’elle devient plus importante, il s’allonge d’autant pour pouvoir l’enserrer. On comprend dès lors que l’espace clôturé ne correspond à aucune circonscription territoriale préexistante. Il se superpose aux juridictions et aux seigneuries qui partagent le sol de la ville, sans tenir compte de la condition des terres, de la diversité des propriétaires et des justiciers[3]. C’est cet espace clôturé qui est le cadre de la paix : « Si quis, infra murum hominem occiderit, » dit la charte de Soest, « capite truncabitur[4]. »

Et, en même temps que le mur de la ville marque les limites

  1. Voir plus haut, p. 83.
  2. Le suburbium au xiie siècle a en général quatre portes. Voyez pour Amiens Monum. de l’hist. du tiers état, I, p. 87 ; pour Gand, Warnkœnig-Gheldolf, Hist. de Flandre, III, p. 246.
  3. À Cologne, les habitatores ville S. Pantaleonis, si quandoque vallo et muro civibus coadunentur, communi etiam civium jure tenentur. Sohm, Entstehung des Stätdtewesens, p. 21, n. Cf., pour l’importance de l’enceinte urbaine, Varges, op. cit., p. 169. On sait que les sceaux des communes représentent très souvent des tours, des portes et des murailles.
  4. Gengler, Stadtrechte, p. 441. Add. Charte de Medebach, § 5 : qui infra fossam vestram hominem vulneraverit acuto ferro, sub custodia advocati reus erit : si vulneratus moritur, ille decollabitur, etc. Ibid., p. 283. Cf. charte de Soissons (Ordonnances, XI, p. 219) : infra civitatis Suessionensis firmitates.