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tance et le caractère de la paix. Elles montrent avec une netteté parfaite l’action unifiante de celle-ci. La paix fait disparaître devant elle les diverses conditions juridiques. Elle s’étend aux servi et aux ancillae comme aux autres habitants[1]. Elle devient la loi (lex) commune de la ville. La ville possède désormais son statut, obligatoire pour tous par le seul fait de la résidence. Les différences personnelles s’effacent. Mercatores, servi, ancillae, tous ces groupes jouissant jadis de droits particuliers, relevant de juridictions diverses, ayant leurs privilèges spéciaux, leurs intérêts propres et souvent opposés à ceux des autres, ont désormais un point de contact. Tous deviennent des homines pacis[2], tous sont soumis à une même lex. Et ce n’est pas seulement à Valenciennes que nous pouvons apercevoir le lien qui rattache à la pax la lex ville. À Poperinghe, par exemple, nous voyons le comte de Flandre désigner la loi qu’il donne à la ville par les mots pacis securitatem[3].

La paix urbaine, avons-nous dit, est essentiellement locale. Elle est fixée au sol et, en quelque sorte, incorporée à lui. Elle est contenue dans un certain espace nettement déterminé ; et cet espace n’est autre que celui qu’entourent les murs de la ville.

Différant en cela des villes modernes, les villes du moyen âge sont toutes des villes closes. Les termes bonne ville et ville fermée forment des expressions synonymes, et les héraldistes ont eu de bonnes raisons pour surmonter d’une couronne murale les armoiries municipales. Nous avons vu que, pendant la période franque, les villes ne sont que des châteaux forts. Plus tard, au pied de ces châteaux, de ces castra, que l’on peut comparer assez exactement aux acropoles des villes antiques, s’établit, là où les circonstances sont favorables, un faubourg, un suburbium. À l’origine, le faubourg a dû être complètement ouvert[4]. Mais, de bonne heure, on a senti la nécessité de l’entourer d’une enceinte de défense. Cette enceinte primitive ressemblait sans doute de très près à ces clôtures que les marchands hanséatiques élèveront plus tard autour de leurs comptoirs et de leurs pêcheries. Ce n’étaient souvent que de simples palissades flanquées de fossés[5]. Incapables de résister à une attaque en règle[6], elles

  1. « Tut cil qui sont keuchant et levant dedens Verdun et dedens les bours, il sont de nostre pais. » Labande, Verdun, p. 18, n. 4.
  2. Charte de Valenciennes, dans Gislebert, Chron. Hanon., p. 302.
  3. Warnkœnig, Flandrische Staats und Rechtsgeschichte, t. II, P. J2, p. 103.
  4. En 1127, le suburbium de Bruges n’était pas encore complètement clôturé. Galbert, op. cit., § 25.
  5. Galbert, op. cit., § 25.
  6. Galbert, op. cit., § 114, rapporte qu’en 1128 les Brugeois, craignant d’être assiégés, avaient transporté leurs biens les plus précieux dans la domus defensabilis d’un chevalier quas ibidem tutius salvarent.