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en 1130 à Fribourg[1], en 1127 à Saint-Omer[2]. Pareillement, on remarque que, de bonne heure, la preuve par témoins l’emporte sur la preuve fournie par les cojurateurs[3]. Au cours du procès, le rôle personnel des parties s’amoindrit de plus en plus au profit de celui du tribunal. Le wergeld fait place à un système d’amendes et de châtiments corporels. Enfin, les délais judiciaires, si longs à l’origine, sont considérablement réduits.

Et ce n’est pas seulement la procédure qui se modifie. Le contenu même du droit ne se transforme pas moins. On peut voir, par les renseignements épars que contiennent les chartes de communes, qu’en matière de mariage, de succession, de gage, de dettes, d’hypothèque, toute une législation nouvelle est, dans les villes, en voie de formation[4]. Bref, ce n’est plus maintenant de jus mercatorum qu’il est question, mais de jus civile.

Ne croyons pas d’ailleurs que le droit urbain soit quelque chose d’absolument nouveau, ne se rattachant à rien d’antérieur. En réalité, il n’est qu’une modification de la coutume territoriale, accomplie sous l’action des forces économiques et sociales agissant dans les villes[5]. Comme son ancêtre, le jus mercatorum, s’il est international par l’esprit qui l’anime, c’est cependant sur la base solide de la coutume nationale qu’il s’est partout édifié. Il diffère profondément, à cet égard, des ennemis contre lesquels il a eu à soutenir une lutte séculaire : le droit féodal et le droit domanial.

La coutume municipale, est-il besoin de le dire, ne s’est pas formée de toutes pièces au cours du xie siècle. Nous avons été obligé souvent, dans les pages qui précèdent, d’anticiper sur le cours des événements et de parler de phénomènes qui sont bien postérieurs aux premières manifestations de la vie urbaine. C’est seulement quand la ville constitue un territoire juridique distinct, une franchise, un Weichbild, quand les hommes relèvent de son droit non plus en vertu de leur condition sociale, mais en vertu de leur résidence, que ce droit accom-

  1. Gengler, Stadtrechte, p. 127.
  2. Giry, Saint-Omer, p. 372. — Add., Charte de Tournai, § 21. Gengler, Stadtrechte, p. 444, etc.
  3. Warnkœnig, Französische Staats und Rechtsgeschichte, I, p. 288 ; von Below, Stadtgemeinde, p. 68, et Ursprung, p. 110.
  4. Le phénomène le plus caractéristique à cet égard est la suppression dans les villes du retrait lignager. Voyez, pour les villes flamandes, où elle s’est accomplie de très bonne heure, Warnkœnig-Gheldolf, Hist. de Flandre, III, p. 76 et 230 ; Warnkœnig, Flandrische Staats und Rechtsgeschichte, II3, p. 215.
  5. Heusler, Institutionen des deutschen Privatrechts, I, p. 25 ; von Below, Ursprung, p. 89 et suiv.