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adopté un caractère plus compact, y occupe-t-elle beaucoup moins de place matérielle. On peut compter que l’ouvrage sous cette nouvelle forme n’aura pas moins de succès qu’autrefois, et dans quelques années M. Viollet devra sans doute en préparer une troisième édition, cette fois en deux volumes.

Sous ce titre : La cour de Rome et l’esprit de réforme avant Luther[1], M. F. Rocquain publie le premier volume d’une histoire de la lutte entre la papauté et les réformateurs de l’Église du xie au xve siècle. C’est, en somme, une histoire de l’Église catholique pendant ces quatre cents ans. Le tome I, intitulé : La théocratie, apogée du pouvoir pontifical, s’étend du milieu du xie siècle, des débuts d’Hildebrand, à la mort d’Innocent III. L’ouvrage n’est pas sans intérêt ; l’auteur a lu et cite presque uniquement les textes originaux et, sans s’attarder aux discussions de détail, il s’en tient aux conclusions générales. Le livre a donc les défauts et les qualités des travaux de généralisation ; on y relèverait sans peine quelques assertions discutables, quelques conclusions hâtives, mais, ainsi dégagé et allégé, le récit se laisse lire sans peine ni fatigue. Dans un travail de cette nature, les idées tiennent la place principale ; ce sont donc les idées de M. Rocquain qu’il nous faut exposer. Bien peu d’historiens jusqu’ici, du moins en France, ont su, en parlant de la papauté du moyen âge, faire autre chose qu’une apologie ; les plus hostiles au saint-siège ont admis à priori et sans examen que, sans le triomphe partiel des pontifes de Rome, le monde occidental était rendu à la barbarie et à l’ignorance. Il n’est donc pas inutile qu’un esprit indépendant ose aborder de face ce problème difficile et en propose une autre solution. L’entreprise n’est pas sans quelque danger, et M. Rocquain l’a indiqué en fort bons termes à la fin de son avant-propos ; à rechercher trop exclusivement les traces de protestation et de révolte contre la cour romaine, l’historien court le risque de ne montrer que les abus du système hiératique et de passer sous silence les services qu’il a rendus comme tout régime politique, mais, puisque l’auteur voulait montrer les origines du mouvement de réforme, il était tenu d’insister principalement sur les abus qui donnèrent naissance à ce mouvement[2].

Le premier volume de l’ouvrage de M. Rocquain comprend l’his-

  1. Paris, Thorin, viii-425 p. in-8o.
  2. L’auteur au surplus, se rendant compte du danger, a généralement su éviter l’écueil, et certaines pages de lui, notamment celles qu’il consacre à l’analyse de la politique de Grégoire VII, prouvent qu’il sait juger équitablement les conceptions hiératiques les plus bizarres et les plus éloignées des théories politiques modernes.