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ou anglo-saxons de superbes volumes qui appartiennent à cette tradition exotique.

M. Berger, reprenant alors l’histoire de la Bible proprement gauloise, étudie les manuscrits exécutés dans ce pays du vie au viiie siècle, et, comme il le fait remarquer, cette étude consiste uniquement dans l’histoire de la pénétration en Gaule des textes étrangers de l’Écriture. Il examine successivement les manuscrits de Lyon et de Vienne (influence espagnole), un manuscrit célèbre de Saint-Germain-des-Prés, un texte qu’il appelle languedocien, et qui a subi la même influence ; l’école du centre (Limoges, Tours et Fleury) ; enfin, les copies exécutées dans les monastères du nord de la France, mélange assez confus de leçons d’origine douteuse, de leçons espagnoles d’origine, et de traditions irlandaises. Tout cela est fort intéressant et très nouveau, mais les copistes de ces temps reculés, on le voit, prenaient un peu partout leurs matériaux, sans trop se soucier de l’origine. — Plus raisonnable et mieux guidée est l’école de Saint-Gall. Dans ce monastère et dans ceux de la même région, Reichenau, Einsiedeln, etc., on copie non seulement la Vulgate, mais encore le texte grec de la Bible. Bien plus, grâce au fameux Hartmut, on fixe le texte des livres saints ; cet abbé fait écrire, de 841 à 883, un grand nombre de recueils complets ou partiels de ces livres et on possède aujourd’hui trente-un volumes acquis ou exécutés par ses ordres. Mais cette école de Saint-Gall reste toute locale et n’exerce au dehors qu’une faible influence. — M. Berger, après avoir ainsi déblayé le terrain, étudie les deux recensions des livres saints qu’on peut attribuer au règne de Charlemagne, celle de Théodulphe et celle d’Alcuin. Le premier, esprit indépendant, paraît avoir voulu corriger le texte de la Bible à l’aide principalement des versions espagnoles qu’il avait rapportées avec lui de son pays natal. Ce travail nous a été conservé dans deux copies célèbres, l’une aujourd’hui à Paris, l’autre au Puy, manuscrits d’une exécution remarquable et absolument identiques l’un à l’autre. Le texte adopté par Théodulphe est un texte mêlé, à base espagnole, mais l’un des exemplaires, celui de Paris, porte quantité de corrections et d’additions que M. B. attribue, à bon droit semble-t-il, à Théodulphe lui-même ; presque toutes ces corrections paraissent empruntées à de bons textes. La recension de Théodulphe eut une assez grande fortune, et on retrouve un peu partout dans le nord de la Gaule des manuscrits qui en dérivent.

La recension d’Alcuin a un caractère tout différent ; c’est pour ainsi dire une recension officielle. Elle fut ordonnée par Charlemagne vers 790 (on n’est pas fixé sur la date) et fut exécutée par Alcuin après 796. Les plus anciens manuscrits qui la renferment ont été