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s’est placé, je crois, à un point de vue trop exclusif. Il a voulu expliquer le droit municipal par quelques principes juridiques comme s’il eût eu affaire à une question de droit romain. Tout entier à l’abstraction, il a perdu de vue les conditions politiques et sociales au milieu desquelles il s’est développé. Bref, il a écrit une admirable théorie du droit urbain tel qu’il aurait pu être si les principes juridiques étaient les seuls facteurs du développement de l’humanité.

Nous sommes arrivé au terme de cette longue revue des théories générales sur la formation des villes. Comme on l’a vu, aucune d’elles n’a réussi à s’imposer. Une seule pourtant doit être absolument rejetée : celle qui affirme la persistance au moyen âge du régime municipal romain. Pour les autres, elles ont servi largement à l’avancement de la science. Chacune d’elles a éclairé, à son tour, un côté de la question. Leur tort commun a été non d’avoir mal vu, mais d’avoir vu trop étroit. À mesure que de nouveaux éléments du problème étaient découverts, on prétendait tout y ramener. C’est ce qui est arrivé successivement pour les privilèges ottoniens, pour le Hofrecht, pour la gilde, pour la marche et pour le marché. Mais on doit reconnaître, qu’à cause même de leur exclusivisme, les théories générales ont été singulièrement fécondes. Elles ont groupé les travailleurs, leur ont assigné un objectif, ont concentré leurs efforts sur un même point. La synthèse chaque fois a provoqué l’analyse et, sans les théories générales, nous ne posséderions pas aujourd’hui un aussi grand nombre d’excellentes monographies sur les divers éléments constitutifs de la ville.

Il n’en est pas moins vrai, cependant, que la solution définitive reste à trouver. Tandis que l’accord s’est fait sur les origines du système féodal et que l’on ne discute plus guère que sur des détails, les savants sont bien loin de s’entendre sur les causes premières du développement municipal au moyen âge. On en connaît les principaux facteurs, mais on n’a pas déterminé encore l’importance qu’il faut respectivement attribuer à chacun d’eux. Peut-être cela vient-il de ce que le problème a été généralement envisagé à un point de vue trop étroitement national. Si, comme la féodalité ou le socialisme contemporain, les villes du moyen âge sont avant tout le produit de certaines causes économiques et sociales, il faut, ce semble, les étudier sans tenir compte des frontières politiques. De même qu’on ne distingue pas une féodalité française et une féodalité allemande, de même aussi il n’y a pas lieu d’établir une ligne de démarcation entre les villes allemandes et les villes françaises. Sans doute, les différences de détail sont innombrables ; sans doute aussi, sous l’action de l’État qui, à partir du xiiie siècle, s’organise en France et en Alle-