Page:Revue historique - 1893 - tome 53.djvu/91

Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’entend M. Sohm, l’identité absolue de Stadtrecht et de Marktrech est insoutenable ?

En outre, si la ville est une demeure royale, pourquoi ne possède-t-elle pas nécessairement et toujours la haute justice ? Le roi exerce celle-ci dans son palais : la ville doit donc aussi l’exercer dans ses murs. C’est une contradiction d’admettre d’une part que la ville est une demeure royale, que le roi y est toujours présent, et de ne lui accorder d’autre part qu’une juridiction compétente en matière de commerce et de police. Enfin, la manière de voir de M. Sohm quant à l’origine du conseil est inadmissible. Le conseil est avant tout l’expression de l’autonomie urbaine : en France, comme en Allemagne, il apparaît comme une magistrature essentiellement communale. Dans les deux pays, c’est à lui que s’en prend le pouvoir central quand il est en lutte avec la ville. Entre ses pouvoirs et ceux du juge urbain, il y a une différence profonde. M. Sohm le reconnaissait lui-même jadis implicitement dans une brillante étude sur les finances urbaines[1]. D’ailleurs, ici encore, les faits sont en contradiction avec la théorie. Le plus ancien conseil municipal mentionné en Allemagne est celui de Medebach, en 1165. À Cologne, le conseil apparaît seulement beaucoup plus tard. Faudrait-il donc croire qu’on ait éprouvé, dès le xiie siècle, le besoin d’alléger les fonctions de l’écoutète de Medebach, alors que ce fonctionnaire pouvait encore suffire à sa tâche dans la puissante cité rhénane, la plus peuplée de toute l’Allemagne ? Je terminerai par une dernière remarque. La formation juridique de la ville, d’après la théorie de M. Sohm, paraît incompatible avec l’histoire du Saint-Empire germanique au moyen âge. On pourrait admettre que dans une monarchie absolue le droit urbain soit une émanation du droit royal. Mais on sait quelle a été la faiblesse du pouvoir central en Allemagne. D’ailleurs, en règle générale, les empereurs ont été bien plus souvent hostiles que favorables aux bourgeoisies. À partir du xiie siècle, c’est-à-dire précisément à partir de l’époque où s’achèvent les constitutions urbaines, ils ont systématiquement favorisé les princes au détriment des villes. Leur conduite politique, à cet égard, diffère du tout au tout de celle des rois de France. Ce n’est qu’à la fin du moyen âge qu’on voit les villes se réclamer de l’empereur et prétendre à l’« immédiateté. » Au début, on ne découvre rien de semblable. En somme, M. Sohm

  1. Städtische Wirtschaft im XV Jahrhundert (Jahrbücher für Nationalœkonomie und Statistik), 1880. Dans Frankische Reichs und Gerichtsverfassung, p. 232, M. Sohm reconnaissait que « Die Dorfgerichte und die Stadtgerichte haben der öffentlichen Gerichtsverfassung niemals angehört. » Voy. von Below, Ursprung, p. 68 et suiv.