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la généralisation que possède à un si haut degré l’illustre professeur de Leipzig. Mais, quand échappé à la domination du maître on se reprend et on se recueille, les objections se présentent en foule et le brillant système paraît construit sur des bases bien fragiles.

Dès son apparition, la nouvelle doctrine a été l’objet d’un grand nombre de travaux. MM. Kauffmann[1], Fockema-Andreae[2], von Below[3], Bernheim[4], Kuntze[5] l’ont soumise à la critique. Aucun d’eux ne l’a acceptée sans de grandes réserves ; la plupart même l’ont rejetée formellement.

Et tout d’abord, il ne semble pas possible d’identifier aussi complètement que le fait M. Sohm la ville et le marché. Si la ville, en effet, n’est autre chose qu’un marché permanent, le droit royal, le droit d’exception du Weichbild doit y régner sans interruption, d’un bout à l’autre de l’année, du 1er janvier au 31 décembre. Dès lors, pourquoi, jusqu’à la fin du moyen âge et plus tard encore, érige-t-on une croix dans la ville aux époques de foire ? Quelle peut être la signification de cette croix temporaire, puisque la ville possède une croix permanente qui fait d’elle un marché perpétuel ? Dès le premier pas, on se heurte donc à une difficulté fort sérieuse. Car, en effet, ou bien la croix érigée pendant la foire n’a pas de signification juridique, et que devient alors la théorie du Weichhild ? ou bien il faut admettre qu’à côté ou plutôt qu’au-dessus du droit urbain, il existe encore un droit de marché différent de lui[6] et que, partant, Marktrecht et Stadtrecht ne sont pas synonymes.

Si, manifestement, M. Sohm a trop complètement assimilé la ville

  1. Zur Entstehung des Städtewesens. Programme de Munster, 1891.
  2. Wezen en beteekenis der verleening van stadrechten in Nederland (Handelingen der maatschappij van Nederlandsche letterkunde). Leyde, 1891.
  3. Ouvr. cité, p. 72, n. 
  4. Die Entstehung des deutschen Städtewesens. Eine Kritik der Sohm’schen Theorie (Deutsche Zeitschrift für Geschichtswissenschaft). 1892.
  5. Ouvr. cité, p. 55, n. 1. — Voir aussi mon compte-rendu de l’ouvrage de M. Sohm dans la Revue critique du 30 mars 1891 ; les articles de Kruse dans Jahrbücher für Nationalœkonomie und Statistik, 1891 ; et, tout récemment, G. Blondel, Étude sur la politique de l’empereur Frédéric II en Allemagne, p. 415.
  6. C’est en effet ce qui existe. Pendant la foire, le droit pénal urbain est rendu plus sévère. En 1290, Jean d’Avesnes déclare que, pendant la foire qu’il octroie à la ville de Mons, les échevins devront appliquer « doubles amendes ensi com li lois de le ville donne en autre tens. » Devillers, Cartulaire des cens et rentes dus aux comtes de Hainaut, II, p. 265. Cf. la charte de Bodenwerder, dans Gengler, Deutsche Stadtrechte des Mittelalters, p. 29, Voir encore Habets, Limburgsche Wijsdommen, p. 265 (la Haye, 1891), et Tuetey, Le droit municipal en Franche-Comté, p. 243 (charte de Montbéliard).