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infiniment plus sévère que celui du plat pays. La pax civitatis, la Stadtfriede, est protégée par un droit impitoyable, parce qu’elle est identique à la Kœnigsburgfriede.

Comme le palais royal encore, la ville est un asile et par là même une franchise. Elle constitue une sorte d’immunité vis-à-vis des juridictions ordinaires dont l’action ne l’atteint pas plus qu’elle n’atteint le palais. Il en résulte que la ville doit posséder son tribunal, sa juridiction propre. Et de fait, nous voyons que le plus ancien et le plus nécessaire privilège de la bourgeoisie est de n’être justiciable que du tribunal urbain. Ce tribunal, est-il besoin de le dire, est un tribunal public. Le juge qui le préside (maire, amman, villicus, écoutète) est un centenier. Ses assesseurs sont pris parmi les bourgeois propriétaires, c’est-à-dire parmi les détenteurs du sol de l’asile.

Si l’existence du tribunal urbain s’explique par le fait que la ville est un asile, la compétence de ce tribunal ne peut être comprise qu’en se rappelant que la ville est un marché. Cette compétence comprend essentiellement les affaires commerciales et les affaires de police. À la longue, elle s’est étendue aussi aux affaires immobilières relatives au sol urbain. Quant à la haute justice, la ville ne l’a acquise que rarement ; en règle générale, elle n’a cessé d’appartenir au roi ou au seigneur territorial.

La constitution urbaine n’est achevée que quand la ville possède un conseil. Pour M. Sohm, en vertu des prémisses d’où découle toute la théorie, le conseil n’est en rien une magistrature autonome, un organe communal. Il n’est qu’un dédoublement du juge urbain. À mesure, en effet, que la population s’est accrue, les attributions de cet officier sont devenues trop lourdes. Le conseil a été créé pour lui alléger la besogne : les pouvoirs qu’il exerce appartenaient tous primitivement au Richter municipal.

Tout, on le voit, s’explique dans la théorie de M. Sohm par le droit royal. La ville est à la fois marché royal, demeure royale, asile royal. Les divers courants qui alimentent le droit urbain sortent de la même source : l’antique royauté germanique. C’est elle seule qui a créé les bourgeoisies : allein das Amtsrecht des germanischen Königthums hat machtvoll als sein lebenskräftigstes, noch heute blühendes Erzeugnis der deutschen und der ganzen abendländischen Entwickelung, das deutsche Bürgerthum geschenkt.

Il est impossible, je pense, de lire le livre de M. Sohm sans se laisser convaincre. On est subjugué, bon gré mal gré, par la logique inflexible de l’exposition, par la précision du style, par ce génie de