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nouvelle étape dans la voix nouvelle[1]. De l’étude attentive d’une charte inédite de l’abbé de Reichenau, fondant, en 1100, un marché à Radolfzell, il était amené à des conclusions d’une haute importance. Il montrait qu’à Radolfzell, aussi bien que dans la localité voisine d’Allensbach, le droit urbain provient du jus fori et que le marché est l’ancêtre de la ville.

M. Sohm a vu d’un coup d’œil les conséquences que l’on pouvait déduire des faits signalés par MM. Schrœder et Schulte. Quelques mois après l’apparition du travail de ce dernier, il formulait une doctrine nouvelle, à la fois simple, complète et si logiquement construite qu’il est impossible d’en rien ôter sans que croule tout l’édifice.

M. Sohm part d’une affirmation catégorique : le droit urbain est un droit de marché. L’un et l’autre, en effet, sont symbolisés par un emblème commun : le Weichbild. Mais, tandis que le Weichbild des foires est temporaire, celui de la ville est permanent. La croix de bois du marché fait place, dans la ville, à un Roland de pierre. Et ce Weichbild permanent, ce Weichbild de pierre, atteste que le droit extraordinaire de la foire est devenu le droit ordinaire de la ville. En droit, la ville n’est autre chose qu’un marché perpétuel. Mais ce n’est pas tout : le Weichbild est en effet un emblème royal. Là où il est planté, là est censé se trouver le roi. Ainsi le roi, temporairement présent au marché, est perpétuellement présent dans la ville, puisque dans la ville est érigée une croix permanente. La ville est donc, dans toute la rigueur du mot, une demeure royale, une Kœnigsburg. Weichbildrecht, Marktrecht, Burgrecht, sont tous synonymes. Chacun de ces mots désigne un des éléments juridiques du Stadtrecht.

Ces principes établis, le reste de la théorie s’en déduit avec la précision d’un raisonnement mathématique.

Demeures royales, le marché comme la ville, celui-là par intermittences, celle-ci pour toujours, sont régis par le droit qui règne dans la demeure royale. Or, ce droit, nous le connaissons : nous le trouvons consigné déjà dans les lois germaniques. C’est un droit d’exception plus sévère et plus dur que le droit commun. De même que tout dommage causé à un serviteur du roi est puni d’une amende triple, de même tout délit commis dans le palais entraine un châtiment extraordinaire. Partant, le droit de la ville (Kœnigsburg) sera

  1. Ueber Reichenauer Städtegründungen im X und XI Jahrhundert, mit einem ungedruckten Stadtrecht von 1100 (Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins. Neue Folge, t. V).