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constitution de la ville n’a pu être, dans le principe, qu’une constitution de village, et, le village germanique étant une communauté de marche, c’est donc en définitive à la marche qu’il faut ramener les constitutions municipales. Tandis que Wilda affirme que bourgmestres, jurés et conseil sont les descendants des chefs de la gilde, von Maurer voit en eux, aussi clairement, les descendants des Markvorsteher. D’accord sur l’origine germanique des villes, ils sont en contradiction sur tout le reste. L’un croit trouver dans l’antiquité scandinave le principe fécond des institutions municipales ; l’autre le découvre, de son côté, dans César et dans Tacite.

La théorie de von Maurer a été presqu’en même temps formulée et réfutée. M. Heusler, entre autres, en a démontré toute la faiblesse[1]. Von Maurer a commis une erreur de méthode analogue à celle des érudits qui, trompés par des ressemblances extérieures, ont considéré la ville du moyen âge comme née du municipe romain ou de la gilde. Sans doute, entre l’organisation des villages et celle des villes, on trouve, à partir du xive et du xve siècle, des analogies nombreuses. Sans doute aussi, dans des villes (?) comme Seligenstadt ou Montzingen, le conseil semble bien avoir pris la place et être l’héritier des anciens chefs ruraux. Mais ces localités n’ont de la ville que le nom : ce sont de simples villages pourvus, à une époque récente, d’un bourgmestre et d’un conseil. Elles ont copié les institutions urbaines, elles se les sont, dans une certaine mesure, appropriées ; elles leur ont emprunté certaines formes et certains termes. Mais c’est presque une ironie d’expliquer par ces pâles imitations la puissante organisation des grandes cités du moyen âge et de prétendre, en dépit de la différence des époques et des milieux, trouver dans quelques bourgs de la fin du moyen âge les lois qui ont présidé au développement municipal de Worms, de Mayence ou de Cologne.

On s’en est bien vite rendu compte, et la théorie nouvelle, sous sa forme primitive, n’a guère compté de partisans[2]. Il faut pourtant lui reconnaître le mérite d’avoir provoqué de nombreuses recherches de détail, mis en lumière des côtés négligés de la question, dévoilé des fonctions ignorées de ces constitutions urbaines si riches et si compliquées que chaque essai d’explication les montre pourvues d’organes dont on ne soupçonnait pas l’existence. Après une éclipse assez longue, elle vient d’ailleurs d’être remise en honneur par les

  1. Heusler, Der Ursprung der deutschen Stadtverfassung, p. 156 et suiv.
  2. Je ne vois guère à citer ici qu’une intéressante étude de M. Vanderkindere : Sur l’origine de magistrats communaux et sur l’organisation de la marke au moyen âge (Bullet. de l’Acad. de Belgique, 1874).