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mune jurée a suscité l’établissement de magistratures nouvelles. Très souvent, le collège des jurés n’apparaît que du jour où elle s’est formée. Mais ce fait n’a rien d’essentiel. Ce qui constitue la ville du moyen âge, au sens juridique du mot, ce n’est pas un degré plus ou moins complet d’autonomie, c’est l’acquisition d’un droit municipal distinct de celui du plat pays. Les organes chargés de l’application de ce droit peuvent être fort différents : seigneuriaux ici, là communaux : cette différence importe peu. S’il en était autrement, on serait forcé d’admettre que les rois de France, quand ils ont supprimé les communes jurées, ont, par là même, supprimé les villes.

Ainsi, l’identification de la gilde et de la commune jurée n’arriverait pas encore à sauver la théorie de Wilda. Quelle que soit l’influence exercée par la gilde sur le développement des institutions urbaines, on ne peut trouver nulle part la preuve qu’elle ait produit ces institutions[1]. M. Hegel vient d’ailleurs, me semble-t-il, dans un récent ouvrage de trancher définitivement la question[2].

M. Hegel a donné à ses recherches la plus vaste extension possible. Il a compris qu’on n’aurait le droit d’émettre un jugement définitif que quand, dans tous les pays où l’on constate l’existence des gildes, on se serait rendu compte de leur rôle politique et social. Il a donc étudié successivement le droit municipal des peuples scandinaves, celui de l’Angleterre, de la France, des Pays-Bas et enfin de l’Allemagne. Après cette enquête, la plus considérable peut-être à laquelle ait jamais été soumise une seule institution du moyen âge, il a formulé des conclusions très nettes. Pour lui, la gilde n’a exercé aucune action sur la formation des institutions municipales. Elle n’est l’ancêtre ni de la commune, ni du conseil, et ce n’est pas d’elle non plus que dérive la compétence de la juridiction urbaine. M. Hegel arrive donc aux mêmes résultats que M. Gross a formulés de son côté. Et il importe de remarquer que l’érudit allemand et l’érudit anglais sont absolument indépendants l’un de l’autre et que c’est en suivant des chemins différents qu’ils sont arrivés tous deux au même but.

Toutefois, M. Hegel va plus loin que M. Gross. Non seulement il nie toute action politique de la gilde sur la ville, mais encore il ne

    la condition juridique des bourgeois, ni la coutume urbaine ne sont affectées par l’abolition de la commune.

  1. K. Hegel, Städte und Gilden der Germanischen Völker im Mittelalter. Leipzig, 1891, 2 vol.
  2. Sur le rôle des gildes et leur participation au gouvernement urbain, voy. aussi les excellentes observations d’A. Doren, Untersuchungen zur Geschichte der Kaufmannsgilden, p. 187 et suiv.