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qui, eux aussi, quoique en moins grand nombre, avaient leurs fidèles. On pourrait appeler germanistes les deux systèmes auxquels je fais allusion ici. L’un et l’autre cherchent en effet à expliquer, par des institutions d’origine purement germanique, le premier par la gilde, le second par la marche, la formation des constitutions urbaines. À leur tour, ils ont appelé l’attention sur des éléments nouveaux du problème. Ils ont eu aussi le mérite d’abandonner l’étude exclusive des cités épiscopales et d’étendre à toutes les villes du moyen âge les recherches d’histoire municipale.

Le premier des deux systèmes est déjà ancien et même de beaucoup antérieur à l’apparition des ouvrages d’Arnold et de Nitzsch. Il a été formulé dès 1831 par Wilda[1]. Ce savant a été amené, comme on sait, à s’occuper des constitutions urbaines par ses travaux sur les gildes. Il a cru, en opposition avec la théorie alors régnante des Romanistes, pouvoir expliquer par l’association libre la formation des villes du moyen âge. Pour lui, la commune, à l’origine, n’est autre chose qu’une gilde de protection (Schutzgilde). Elle repose tout entière sur le principe corporatif. Elle a son point de départ dans le serment d’amitié qui lie les bourgeois les uns aux autres.

Ces idées se répandirent rapidement en France et en Angleterre. Non seulement, elles s’adaptaient à ravir aux tendances politiques de l’époque, mais elles satisfaisaient aussi l’engouement de germanisme que le romantisme avait mis à la mode. On sait qu’Augustin Thierry se les est en grande partie appropriées et, jusqu’à maintenant, elles ont continué à compter en France, en Angleterre et en Belgique de nombreux partisans[2].

En Allemagne, au contraire, elles se sont fait jour plus lentement. On dirait presque qu’Arnold et Nitzsch les ont ignorées ; en tous cas, ni l’un ni l’autre n’a jugé utile de s’en occuper. C’est relativement assez tard qu’elles ont trouvé, dans M. Gierke, un défenseur décidé[3]. M. Gierke a d’ailleurs renouvelé la théorie de Wilda, manifestement trop simple et trop incomplète. Il est loin de voir dans la gilde le seul facteur des constitutions urbaines. Il adopte, en grande partie,

  1. Das Gildenwesen des Mittelalters.
  2. Pour la France, voy. Luchaire, les Communes françaises à l’époque des Capétiens directs, p. 31 ; A. Giry, Histoire de la ville de Saint-Omer, p. 64 ; et, tout récemment encore, Labande, Histoire de la ville de Beauvais, p. 57 ; pour l’Angleterre, on trouvera dans le livre de M. Gross, The Gild Merchant, la nomenclature des travaux fort nombreux inspirés des idées de Wilda ; pour la Belgique, voy. A. Wauters, les Gildes communales au XIe siècle. Bruxelles, 1874, in-8o (Bullet. de l’Acad. de Belgique).
  3. Gierke, Das deutsche Genossenschaftsrecht, t. I, p. 220 et suiv.