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Les bourgeois proprement dits, c’est-à-dire les anciens libres, s’emparent du gouvernement des cités : le conseil, le Rath, est créé. Bien que ce Rath ait à l’origine le caractère d’un gouvernement provisoire établi révolutionnairement, il se rattache pourtant à une institution ancienne, au consilium épiscopal, dont on constate l’existence au xie siècle. Ce conseil épiscopal, créé pour aider l’évêque dans l’administration de la cité, comptait, à côté des ministeriales[1] du seigneur, un certain nombre de bourgeois. À l’époque de la révolution urbaine, c’est lui qui est devenu l’autorité supérieure dans la ville, administrée désormais comme une république. À partir de ce moment, une ère nouvelle commence. Les derniers vestiges du droit domanial disparaissent : la différence primitive entre libres et non-libres s’efface, tous les habitants de la ville deviennent bourgeois, tous relèvent de la juridiction du conseil. La ville du moyen âge arrivée à ce point de développement est un État libre (Freistaat). Elle s’est débarrassée de toutes les entraves du droit domanial. On pourrait presque dire que le conseil est un comte collectif, et la ville un comté resserré entre des murailles[2].

Dès son apparition, le livre d’Arnold est devenu classique. Il a été jusque dans les derniers temps un des axes autour desquels ont gravité les recherches sur la constitution des villes au moyen âge. En 1872, M. Heusler publiait son Ursprung der deutschen Stadtverfassung, qui, dans ce qu’elle a d’essentiel, fortifiait la théorie nouvelle[3].

Mais, presque en même temps que la Verfassungsgeschichte der deutschen Freistädte, paraissait un autre ouvrage destiné, lui aussi, à une brillante fortune. Se plaçant à un point de vue diamétralement opposé à celui d’Arnold, Nitzsch cherchait à expliquer la formation des bourgeoisies par le seul droit domanial[4]. Je dis intentionnellement « la formation des bourgeoisies. » Nitzsch s’efforce moins, en effet, de découvrir l’origine des institutions municipales que d’analyser les éléments constitutifs de la population urbaine. Il abandonne

  1. Arnold voit dans les ministeriales, aussi bien que dans les libres des villes, les ancêtres du patriciat urbain.
  2. Je n’ai donné ici qu’un résumé de la partie du livre d’Arnold qui se rapporte à l’origine des constitutions urbaines. Le tome II décrit l’organisation des villes du xiiie au xve siècle.
  3. Voy. Heusler, p. 251. M. Heusler cherche à concilier les idées d’Arnold et celles de Nitzsch. Avec le second, il admet la non-liberté primitive de la population urbaine, mais il voit, avec le premier, dans la constitution municipale, un produit du droit public.
  4. K.-W. Nitzsch, Ministerialität und Bürgerthum im XI und XII Jahrhundert. Leipzig, 1859.