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On a été passablement étonné de voir, il y a deux ans, un juriste distingué la reprendre pour son compte et essayer de la rajeunir. Mais cette tentative courageuse a échoué[1].

Si K. F. Eichhorn, le fondateur de l’histoire du droit allemand, n’a pas encore rompu décidément avec la théorie des Romanistes, les études restées célèbres, publiées par lui en 1815 et en 1816[2], marquent cependant un progrès considérable. Eichhorn n’admet plus, en effet, que la constitution des municipes se soit conservée de toutes pièces dans les villes. Sans doute, il lui accorde encore sa grande part d’influence, mais, à la différence de ses prédécesseurs, il introduit dans le débat des éléments nouveaux. Le premier, il a appelé l’attention sur le rôle joué par le droit domanial (Hofrecht) dans la formation des bourgeoisies et l’élaboration du droit urbain. Et, bien qu’il n’ait pas été assez loin dans la voie indiquée par lui, bien qu’il croie encore à la persistance de la curie après les invasions, il n’en est pas moins vrai qu’il a posé le problème comme il devait l’être et reconnu que la solution n’en devait être demandée qu’à l’analyse du milieu politique et social dans lequel se sont développées les bourgeoisies.

C’est quelques années après Eichhorn, mais indépendamment de lui et sans même avoir connu ses travaux, qu’Augustin Thierry et Guizot abordèrent de leur côté la question des origines et décrivirent à grands traits les phases principales du mouvement communal. Leurs théories sont trop connues pour qu’il soit besoin de les rappeler ici. Pendant longtemps elles ont dominé la science, en France, comme celle d’Eichhorn, en Allemagne. Des deux côtés du Rhin, l’élan désormais était donné. À côté des institutions monarchiques et des institutions féodales, on voyait maintenant, dans les institutions urbaines, un sujet d’études d’une importance et d’un intérêt considérables. Non seulement les documents conservés dans les dépôts d’archives municipales, presque complètement négligés jusque-là, commencèrent à être l’objet d’importantes publications, mais encore des érudits de premier ordre s’attachèrent à l’histoire constitutionnelle des villes et écrivirent des ouvrages qui ont conservé une haute valeur. Il suffira de citer ici les belles études de M. Hegel[3] sur les communes lom-

  1. J.-E. Kuntze, Die deutschen Stadtgründungen oder Römerstädte und deutsche Städte im Mittelalter. Leipzig, 1891. Sur ce livre, voy. A. Schulte dans Göttingische gelehrte Anzeigen, 1891, p. 520 et suiv., et mon compte-rendu dans la Revue critique du 12 octobre 1891.
  2. Ueber den Ursprung der Städtischen Verfassung, dans Zeistchrift für geschichtliche Rechtswissenschaft, t. I et II.
  3. Geschichte der Städteverfassung von Italien. Leipzig, 1847.