Page:Revue historique - 1893 - tome 53.djvu/62

Cette page a été validée par deux contributeurs.
MÉLANGES ET DOCUMENTS




L’ORIGINE DES CONSTITUTIONS URBAINES
AU MOYEN ÂGE.




I.


Parmi les questions que soulève en si grand nombre l’histoire constitutionnelle du moyen âge, il en est peu qui soient étudiées aujourd’hui avec autant de soin que celle de l’origine des villes. Ce problème n’attire pas seulement par sa difficulté : les raisons de l’importance qu’on lui attribue sont plus sérieuses. À mesure, en effet, que l’on connaît mieux le moyen âge, on voit de plus en plus clairement combien a été puissante l’action exercée à cette époque par les bourgeoisies sur l’organisation sociale. C’est trop peu de dire que les villes ont produit le tiers État. Elles ont fait beaucoup plus. Leur influence n’a pas été purement politique : elle apparaît comme civilisatrice au plus haut point. Grâce à elle, non seulement l’État, mais encore les idées et les mœurs, l’art et la littérature, le commerce et l’industrie, se sont transformés[1]. Le jour où naissent les villes, commence la décadence irrémédiable du moyen âge féodal et mystique[2]. Des tendances nouvelles, plus humaines, plus terrestres, plus modernes, se manifestent dans l’Europe occidentale. Aux croisades, succède le commerce paisible des chrétiens et des musulmans dans les ports de la Méditerranée ; aux chansons de gestes, les fableaux ; au latin, les langues vulgaires. Et l’on a pu voir avec raison, dans l’esprit nouveau qui anime les bourgeoisies, une des causes les plus actives du succès de la Renaissance[3].

On comprend, dès lors, que les questions relatives à la constitution

  1. Voir à ce sujet les pages excellentes d’Arnold, Verfassungsgeschichte der deutschen Freistädte, II, p. 119 et suiv.
  2. Von Eicken, Geschichte und System der Mittelalterlichen Weltanschauung, p. 744 et suiv.
  3. Dilthey, Entwickelung der Geisteswissenschaften, p. 452 et 454.