Page:Revue historique - 1893 - tome 53.djvu/319

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Celles qui sont antérieures à 1587, date de la publication du livre, n’en sont parfois que des résumés partiels. La Noue avait écrit « ses brouilleries » dans une pensée d’utilité ; ne les jugeant pas dignes de l’impression, il les gardait dans son cabinet ; mais, comme il ne voulait pas priver son pays des bons conseils qu’il se croyait le devoir de lui donner, il en fait passer la substance dans ses lettres aux grands personnages. De Genève, par exemple, il écrit à Biron, sur les moyens de rétablir la paix, une lettre où il est impossible de ne pas voir le résumé des quatre premiers Discours[1]. Dans l’une comme dans les autres, il affirme que, si la guerre dure, la royauté périra[2] et que le royaume sera « démembré en plus de dix parties ; » mêmes idées sur le rôle du Roi, de la Reine, des princes ; mêmes idées encore dans cette Lettre sur la conversion[3], qu’on voudrait aussi mettre au compte de Canaye. Mais la ressemblance n’est pas que dans les idées et le ton ; elle se retrouve dans les détails. Dans son IVe Discours, il conseille au clergé de renoncer à la guerre civile, « de peur que Messieurs, en voulant contraindre les autres de recevoir leurs opinions célestes, ne viennent à perdre leurs possessions terrestres, ainsi qu’ils ont fait en une grande partie de l’Europe. Et desjà voit-on qu’en France les plus riches membres de leur domaine sont es mains des guerriers catholiques,… ce qui est autrefois avenu en ce royaume, du temps de Charles le Simple[4]. » Que dit-il sur ce sujet dans sa lettre à Biron ? « Aussy s’en ensuit-il la sûreté du clergé, sur la malle duquel plus de sept ou huit mil affamez se jetteront tant grandz que petits, et tous catholiques qui auront engagé leurs biens, afin de se récompenser. Cela s’est veu autrefois du temps de Charles le Simple, etc. » La concordance est aussi parfaite qu’on puisse le souhaiter. Ces idées reparaissent encore dans la Lettre sur la conversion[5].

On retrouve dans les lettres jusqu’aux plaisanteries des Discours. Dans ce IVe Discours, il réclame « un concile national franc et libre[6]. » « Là-dessus, dit-il, nos maistres répondront que si quelque heretique veut disputer, qu’il vienne en la Faculté de théologie… » Mais, dit La Noue, « il n’y a si subtil évangélique qui n’y perdist son latin ; et Aristote mesmes avecques son grec, s’il se trouvoit en

  1. Voy. Fr. de la Noue, p. 312-313.
  2. Discours, p. 31 (je cite l’éd. in-12 de Bâle, 1588).
  3. Rev. hist., l. c., p. 321 : « Et qui est-ce qui la désire plus que le Roy… ? »
  4. Discours, p. 116.
  5. L. c., p. 320 : « La plus saine part du clergé, voyans tous les benefices estre la remuneration des guerriers… »
  6. Discours, p. 115. Comp. Lettre sur la conversion, p. 321 : «… requerir un concile general, et, au refus, en tenir un national… »