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Suit l’étude de la procédure propre aux tribunaux d’inquisition ; elle dérive de la procédure canonique et romaine, mais le juge n’est point tenu en fait, disent les manuels, de suivre l’ordo juris, d’observer toutes les règles et tous les délais. Arrivé dans un pays déterminé, il commence par provoquer les dénonciations, en promettant au dénonciateur le pardon et le secret ; ces dénonciations fournissent les éléments de longues listes de suspects, contre lesquels on va procéder. Une fois arrêté, le prévenu est interrogé en présence de témoins choisis par l’inquisiteur et longuement examinés ; le procès de Jeanne d’Arc est un bon exemple de la méthode suivie par les juges, méthode toute perfide et cruelle ; l’inquisiteur ne veut qu’une chose, l’aveu ; il n’y a pas à discuter les charges avec lui, il ne communique des chefs d’accusation que ceux qu’il veut bien faire connaître. Si l’accusé se refuse à l’aveu, pour le contraindre on a plus d’un moyen : la détention préventive, le carcer durus, la privation de nourriture, enfin la torture ; sur tout cela, M. Tanon entre dans une foule de détails fort instructifs et des plus curieux ; l’emploi de la torture ne saurait être nié, quoi qu’en aient dit quelques savants de nos jours, et certains des modes de torture, la flagellation par exemple et le jeûne prolongé, devaient être atroces. — Si l’aveu manque, le juge fonde sa conviction sur les témoignages ; ceux-ci, mais non les noms des témoins, peuvent être communiqués aux accusés, d’où le plus souvent impossibilité pour ces derniers de réfuter les allégations du juge. Enfin l’accusé se défend seul, et l’issue de ce duel entre un pauvre diable illettré, un paysan, un ouvrier, voire un petit bourgeois, laissé volontairement dans l’ignorance des principaux faits de la cause, et un inquisiteur retors, chicanier, rompu à toutes les finesses de la dialectique, l’issue de ce duel, disons-nous, ne pouvait guère rester douteuse.

Dans un dernier chapitre, M. Tanon étudie la pénalité appliquée aux hérétiques. Il insiste avec raison sur le caractère dérisoire de la clause par laquelle le juge ecclésiastique livrait le condamné au bras séculier, sous réserve de la mutilation et de la mort, formule purement casuistique, à laquelle certains historiens, peu versés dans le droit canonique, se sont laissé prendre ; plusieurs n’en ont-ils pas pris occasion de vanter la douceur des juges d’inquisition ? On trouve ensuite de curieux détails sur la peine de la prison ou mur, sur les croix, les pèlerinages imposés aux prévenus jugés moins coupables, sur la flagellation publique, les peines pécuniaires, la confiscation des biens, les incapacités civiles, les remises et commutations de peines. L’auteur termine par quelques mots assez brefs sur la décadence de l’inquisition et son remplacement par les parle-