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L.-Fernandez NAVARRO. — L’ÉTAT ACTUEL DU PROBLÈME DE L’ATLANTIDE

Crétacé dans l’île de Fer, même supposée certaine, ne nous serait pas davantage utile[1].

La curieuse observation de Chudeau que nous avons citée à propos des rivières sahariennes ne permet pas d’affirmer quelque chose de précis. Quant à l’opinion de ce géologue que la date de la séparation pourrait être néolithique, elle manque absolument de base, comme nous l’avons dit.

L’étude des fossiles recueillis par Font y Sagué a conduit Dollfus à déduire avec certitude que l’isolement des Canaries est post-miocène. Il ajoute seulement comme une probabilité non démontrable qu’il a pu se réaliser à une époque plus récente.

Les conclusions auxquelles arrive Gentil présentent déjà une précision plus grande. L’effondrement sous la mer des plis de l’Atlas est, de toute certitude, postérieur au dépôt des grès tortoniens et peut-être des matériaux plaisanciens. Gentil ne donne cette dernière indication que comme une possibilité, car, pour être tout à fait affirmatif, il faudrait bien connaître cette bande de Pliocène supérieur et surtout être assuré qu’elle est continue tout le long du littoral. Il est encore possible que l’événement date d’une époque plus récente, mais nous ne savons rien sur la corrélation des mouvements quaternaires et modernes des deux côtés du canal séparateur, donnée qui nous permettrait de l’affirmer ou de le nier.

En résumé, les observations de Gentil, les plus précises qui aient été publiées jusqu’à présent, coïncident avec celles de la généralité des auteurs en affirmant que la séparation des Canaries ne peut être antérieure au Pliocène, donnent comme très probable un âge quaternaire et n’excluent pas la possibilité d’une date encore postérieure, par conséquent appartenant déjà à la période humaine.

Pourra-t-on arriver à résoudre cette dernière partie du problème ? Sans aucun doute, par une étude géologique minutieuse du canal de séparation et des côtes africaines et canariennes qui le bordent.

Calderon et d’autres géologues ont démontré que l’archipel, dans son ensemble, subit un mouvement d’élévation lent et ininterrompu, qui a donné naissance à des plages surélevées. Un phénomène identique paraît se vérifier sur la côte africaine voisine. En étudiant à fond ces formations et en établissant leur synchronisme des deux côtés du canal, on pourrait en fixer l’âge en toute sécurité. Diverses lignes transversales de sondages, donnant le dessin exact de la dépression, compléteraient les données indispensables. Et, pour compléter, il ne faudrait pas oublier la détermination des diverses époques éruptives qu’on peut reconnaître dans les îles, étude déjà très avancée pour la plupart d’entre elles[2].

Le problème de l’Atlantide est donc aujourd’hui parfaitement soluble. Comme il touche à nos Canaries et à la côte marocaine qui nous intéresse à tant de titres, nous pouvons dire que c’est un problème tout spécialement espagnol. En le présentant devant cette Société, j’exprime le vœu que la Science espagnole vise à le résoudre, ce qui est pour elle un droit et surtout un devoir[3].

Lucas Fernandez Navarro.
Professeur à l’Université de Madrid.
  1. Pitard a communiqué à Cottreau et Lemoine un hérisson cénomanien, Discoidea pulvinata Dessor, var. major de ces auteurs, qui leur a permis de conclure dans une note (Bull. Soc. géol. de France, t. X, p. 267) à l’existence du Crétacé dans cette île. Ce fossile provenait, d’après Pitard, du ravin de la Caleta, à Valverde (île de Fer). Postérieurement, j’ai visité cette localité, que je connaissais déjà, sans rencontrer la moindre trace de calcaires sédimentaires et sans que rien puisse faire soupçonner la présence de matériaux semblables dans toute l’île. Je crois donc qu’il s’est produit quelque confusion d’échantillons ou que le fossile provenait du lest d’un navire ; en tout cas, il y a erreur.
  2. À côté des auteurs étrangers, je citerai, parmi les Espagnols : Calderon, qui a étudié principalement Ténérife et la Grande Canarie ; Hernandez Pacheco, qui a décrit Lanzarote, et moi-même, qui ai fait connaître l’île de Fer et une bonne partie de Ténérife et conserve en manuscrit une étude inédite sur Gomère et beaucoup de notes sur La Palma.
  3. Conférence prononcée le 3 avril 1916 devant la Société Royale de Géographie de Madrid et publiée dans le Boletin de cette Société ; traduite de l’espagnol par M. L. Brunet.