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HENRI POINCARÉ — LA DYNAMIQUE DE L’ÉLECTRON

AB des deux points et sa projection AB′ ; cette relation est :

Mais le demi-petit axe de l’ellipsoïde, qui en est la dimension inaltérée, est égal à étant la vitesse de la lumière et la durée de transmission ; d’où :

L’excentricité est une constante ne dépendant que de la vitesse de la Terre ; nous avons donc une relation linéaire entre AB, AB′ et Mais AB′ est la différence des abscisses des points A et B. Supposons que la différence
Fig. 2.
entre le temps vrai et le temps local en un point quelconque soit égale à l’abscisse de ce point multipliée par la constante :

la durée apparente de transmission sera

d’où :

C’est-à-dire que la durée apparente de transmission est proportionnelle à la distance apparente. Cette fois, la compensation est rigoureuse, et c’est ce qui explique l’expérience de Michelson.

J’ai dit plus haut que, d’après les théories ordinaires, les observations de l’aberration astronomique pourraient nous faire connaître la vitesse absolue de la Terre, si nos instruments étaient mille fois plus précis. Il me faut modifier cette conclusion. Oui, les angles observés seraient modifiés par l’effet de cette vitesse absolue, mais les cercles divisés dont nous nous servons pour mesurer les angles seraient déformés par la translation : ils deviendraient des ellipses ; il en résulterait une erreur sur l’angle mesuré, et cette seconde erreur compenserait exactement la première.

Cette hypothèse de Lorentz et Fitz-Gerald paraîtra au premier abord fort extraordinaire ; tout ce que nous pouvons dire pour le moment en sa faveur, c’est qu’elle n’est que la traduction immédiate du résultat expérimental de Michelson, si l’on définit les longueurs par les temps que la lumière met à les parcourir.

Quoi qu’il en soit, il est impossible d’échapper à cette impression que le principe de relativité est une loi générale de la Nature, qu’on ne pourra jamais par aucun moyen imaginable mettre en évidence que des vitesses relatives, et j’entends par là non pas seulement les vitesses des corps par rapport à l’éther, mais les vitesses des corps les uns par rapport aux autres. Trop d’expériences diverses ont donné des résultats concordants pour qu’on ne se sente pas tenté d’attribuer à ce principe de relativité une valeur comparable à celle du principe d’équivalence, par exemple. Il convient, en tout cas, de voir à quelles conséquences nous conduirait cette façon de voir et de soumettre ensuite ces conséquences au contrôle de l’expérience.

VIII. — Le Principe de Réaction.

Voyons ce que devient, dans la théorie de Lorentz, le principe de l’égalité de l’action et de la réaction. Voilà un électron A qui entre en mouvement pour une cause quelconque ; il produit une perturbation dans l’éther ; au bout d’un certain temps, cette perturbation atteint un autre électron B, qui sera dérangé de sa position d’équilibre. Dans ces conditions, il ne peut y avoir égalité entre l’action et la réaction, au moins si l’on ne considère pas l’éther, mais seulement les électrons qui sont seuls observables, puisque notre matière est formée d’électrons.

En effet, c’est l’électron A qui a dérangé l’électron B ; alors même que l’électron B réagirait sur A, cette réaction pourrait être égale à l’action, mais elle ne saurait, en aucun cas, être simultanée, puisque l’électron B ne pourrait entrer en mouvement qu’après un certain temps, nécessaire pour la propagation. Si l’on soumet le problème à un calcul plus précis, on arrive au résultat suivant : Supposons un excitateur de Hertz placé au foyer d’un miroir parabolique auquel il est lié mécaniquement ; cet excitateur émet des ondes électromagnétiques, et le miroir renvoie toutes ces ondes dans la même direction ; l’excitateur va donc rayonner de l’énergie dans une direction déterminée. Eh bien, le calcul montre que l’excitateur va reculer comme un canon qui a envoyé un projectile. Dans le cas du canon, le recul est le résultat