Page:Revue générale de l'architecture et des travaux publics, V4, 1843.djvu/156

Cette page n’a pas encore été corrigée

projet remplissant le but qu’on a lieu d’attendre de celui-ci[1].

On n’a jusqu’ici tiré qu’un assez pauvre parti des escarpements du cimetière Montmartre et de celui du Père-Lachaise. On n’a établi des sépultures qu’au pied et sur la crête des berges, et tout l’espace intermédiaire, c’est-à-dire la pente entière, qui est très-considérable en plusieurs endroits, est menacé de rester sans emploi, malgré la beauté de la position. Doit-on attribuer la défaveur dont paraissent frappées ces berges au surcroît de dépenses qu’elles semblent devoir occasionner dans la construction des tombeaux ? Nous ne le pensons pas. On doit plutôt l’attribuer à leur aspect désagréable et à la difficulté apparente d’y établir des sépultures, et surtout à la poussée des terres.

On pourrait cependant tirer un très-bon parti de ces berges. Nul emplacement, selon nous, ne serait plus avantageux sous le rapport pittoresque.

On diviserait la hauteur de la pente en diverses zones parallèles aux talus et disposées les unes au-dessus des autres comme les précinctions d’un amphithéâtre, et composées chacune d’une ligne de tombeaux alternant avec un talus planté d’arbres. (Voy. Fig. 5, Pl. 9.) Ce talus aurait un mètre de base au moins, et serait bordé d’une allée d’un mètre pour la circulation. De semblables zones se succéderaient dans toute la hauteur de la berge.

Pour économiser le terrain, selon le vœu de l’administration, les tombeaux seraient construits sur une grande partie de leur profondeur dans la berge elle-même, ou plutôt dans un mur de soutènement continu, dans le corps duquel ils seraient évidés La façade se détacherait en saillie sur le nu du mur de terrasse, et pourrait se varier à l’infini. (Voy. Fig. 6 et 7.) Une partie de la voûte des caveaux serait recouverte par le talus en terre, sur lequel on planterait des arbustes variés qui formeraient ainsi une zone de verdure alternant avec une zone de constructions.

Pour préserver l’intérieur de toute humidité, la voûte et l’extérieur des murs seraient revêtus d’une chape en bitume.

Chaque zone de tombeaux serait disposée comme un casier, et divisée en concessions de 2 mètres. Les murs séparatifs seraient construits d’un seul jet, et non en deux épaisseurs juxtaposées, comme cela se fait ordinairement. De distance en distance, il y aurait des concessions de 4 mètres, dont les tombeaux domineraient les autres et rompraient l’uniformité. Nous n’en dirons pas davantage sur ce sujet, que nous nous contentons d’indiquer.

Les concessions ordinaires, de 2 mètres carrés, fort bien entendues, du reste, sous le rapport économique, sont disposées le long des allées principales par zones de deux rangs chacune. (Voy. Fig. 8.) Les zones sont séparées entre elles par des passages de 1m 50 de large, et les rangs par des intervalles de 1m 00. Chaque concession est également séparée de ses voisines par un passage de 0m 50 ; ainsi, en prenant pour base de nos calculs un groupe de quatre concessions de 2 mètres chacune, dont deux de front et deux de profondeur, c"est-à dire dans toute la profondeur d’une zone, nous aurons pour largeur :

  1. Pour démontrer à nos lecteurs que noire proposition de dépenser une quarantaine de mille francs en améliorations pour le seul cimetière de l’Est n’est pas de nature à mettre à sec la caisse municipale, nous allons placer sous leurs yeux quelques chiffres que nous tenons de bonne source.

    L’achat des terrains pour les cimetières actuels a commencé en 1804. On a fait des agrandissements à plusieurs reprises, notamment au cimetière de l’Est.

    La dépense totale s’élève jusqu’ici à 1 740 267 fr.

    La superficie collective des trois cimetières étant d’environ 50 hectares ou 500 000 mètres carrés, le mètre revient donc à moins de 3 fr. 50 c.

    Le produit des concessions antérieures à 1830, ou de vingt-six ans, s’est élevé à 5 203 083 fr. 66 c.

    De 1831 à 1840, il a suivi une progression considérable, et il s’est élevé ainsi qu’il suit :

    Savoir : concessions perpétuelles 3 081 027 fr. 50 c.
    id. conditionnelles 218 800 00
    id. complétées 223 950 00
    id. temporaires 2 180 660 17
    Total. 5 731 437 67
    (Il a dépassé, comme on voit, le chiffre des vingt-six années précédentes.)
    Total général. 10 937 521 fr. 33 c.
    Nous pourrions ajouter à ces chiffres la taxe des inhumations, qui s’est élevée avant 1830 à 2 278 183 fr. 69 c. 6 085 047 50
    Et de 1831 à 1840 à 3 806 863 81
    Ce qui produirait un total général de 17 022 568 fr. 83 c.


    Mais nous ne nous occupons que du revenu foncier.

    Nous voyons par le chiffre des dix dernières années que le produit moyen annuel a été de 573 413 fr. 67 c. Ce produit augmente tous les ans et dépasse aujourd’hui 600 000 fr.

    La dépense d’entretien pendant les dix dernières années a été moyennement de 21 971 fr. 47 c. (jusqu’à 1840).

    La presque totalité des employés aux cimetières et aux pompes funèbres est payée aux frais de la compagnie des Pompes funèbres, qui verse annuellement pour cet objet, à la caisse municipale, 140 700 fr., d’après le nouveau cahier des charges. Il n’y a guère que les architectes des cimetières qui soient rétribués par la Ville. Jusqu’à 1840, la caisse municipale n’a donc déboursé qu’environ 30 000 fr. par an, ou le vingtième du produit de la vente ou location des terrains.

    Les cimetières, comme on voit, ne sont pas onéreux à la Ville, puisque ces terrains, qui ne lui coûtent pas 1 800 000 fr., lui rapportent 600 000 fr. par an, ou 33 1/3 pour 0/0. Elle a encaissé, dans l’espace de trente-six ans, près de onze millions pour le produit foncier seulement.

    Remarquons bien aussi que sur les 5 734 437 fr. 67 c, perçus de 1831 à 1840, les fosses temporaires ont produit 2 180 660 fr. 17 c.
    auxquels il convient d’ajouter la différence entre le chiffre des concessions conditionnelles complétées et celles qui ne le sont pas ; cette différence est de 24 850 00
    Total. 2 205 510 17


    La Ville rentre en possession des terrains des concessions temporaires au bout de cinq ans ; elle peut donc revendre, ou, si l’on veut, relouer éternellement le même terrain tous les cinq ans.

    Chaque concession temporaire est payée 50 fr. pour cinq ans et se compose de 2 mètres carrés de terrain, ce qui fait par an et par mètre 5 fr. de revenu (le mètre ne coûte en capital que 3 fr. 50 c), ce qui, en fin de compte, produirait un revenu de 50 000 fr. par hectare ; mais en réduisant la superficie effective des terrains à moitié (le reste employé en passages), chaque hectare produirait encore une rente honnête de 25 000 fr. payée d’avance.

    Nous savons bien que toute la superficie des cimetières n’est pas en mesure de donner d’aussi riches revenus, car il faut défalquer comme improductifs toutes les allées, grandes et petites, les intervalles entre les concessions, les fosses communes ainsi que les parties restées jusqu’ici sans emploi, parmi lesquels nous comptons en première ligne les escarpements des cimetières du Nord et de l’Est.

    Nous nous garderons bien d’exiger que la Ville dépense à l’embellissement des cimetières jusqu’au dernier écu provenant des cimetières ; mais qu’elle s’arrange pour rentrer dans son capital tous les vingt ans, et que le reste soit employé en améliorations. Pas de superfluités, mais un nécessaire confortable.

    Au surplus, nous prions de remarquer qu’une partie des améliorations proposées par nous seraient une nouvelle source de revenus. Nous voulons parler du nouvel aménagement des parties escarpées dont personne n’a voulu jusqu’à ce jour, et pour cause, comme nous l’avons expliqué déjà.