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Les cimetières de Paris sont aujourd’hui au nombre de trois : le cimetière du Sud ou du Mont-Parnasse, pour les arrondissements de la rive gauche ; celui du Nord ou de Montmartre, et celui de l’Est ou du Père-Lachaise, pour les arrondissements de la rive droite.


Cimetière du Sud ou du Mont-Parnasse.


Nous n’aurons que pou de chose à dire sur ce cimetière, le plus récent et le plus propre de tous. Il doit le bon état où il se trouve à la disposition et à la qualité du terrain ; l’art n’a eu qu’à aider un peu la nature.

Il remplace les anciens cimetières de Clamart, de Sainte-Catherine et de Vaugirard. Ce dernier est fermé depuis vingt ans, et comme il touchait au mur d’enceinte de la ville, le fisc, alarmé d’un voisinage qui pouvait favoriser la contrebande, vient de faire percer une partie de boulevard extérieur aux dépens du cimetière dont il a pris les deux cinquièmes. La solitude de ce cimetière n’est plus aujourd’hui troublée que par la famille du gardien qui l’habite, et par quelques rares visiteurs que la curiosité ou les souvenirs y appellent. Quoiqu’il soit abandonné depuis vingt ans, nous y avons vu avec attendrissement quelques tombes autour desquelles on entretenait encore des Heurs et sur lesquelles on déposait des couronnes.

La surface du cimetière du Sud est presque de niveau, et le sol se compose d’une couche de terre sablonneuse éminemment propre à absorber les parties humides des cadavres qu’on lui confie. Son entrée est convenable, l’accès en est facile, et les avenues y sont spacieuses et bien percées. Sa superficie est d’environ 10 hectares.

À l’Est de son enceinte est le cimetière des hospices.


Cimetière du Nord ou de Montmartre.


Ce cimetière occupe l’emplacement d’une ancienne carrière à plâtre, exploitée à ciel ouvert, à laquelle il doit sa surface accidentée.

Quand on arrive à la porte d’entrée, on ne se douterait guère qu’on va pénétrer dans l’enceinte funèbre de la capitale, la plus importante après le Père-Lachaise ; car cette porte, en planches clouées sur barres et suspendue entre deux pans de vieux murs de clôture à moitié dépouillés de leur enduit[1], est tout à fait indigne du lieu auquel elle donne accès.

Il y a quelques mois encore il existait, à droite et à gauche de l’avenue d’entrée, deux excavations profondes dont les berges et le fond étaient recouverts d’une végétation vigoureuse et variée à travers laquelle apparaissaient quelques tombes recouvertes de verdure. Aujourd’hui tout a disparu : le marteau et la hache ont détruit arbres et sépulcres, et, comme si l’on voulait anéantir jusqu’au souvenir même de ce qu’on pourrait appeler les vallées des tombeaux, on s’occupe de les combler jusqu’au bord. Il ne reste plus aujourd’hui, de cet belles masses de verdure, qu’un cèdre du Liban planté près de l’habitation du concierge, et qui ne doit sans doute son statut qu’à sa position élevée au-dessus du niveau général.

La solitude qui régnait dans ces excavations, le jour mystérieux qu’y laissaient pénétrer les masses d’arbres plantés sur les escarpements des berges, les quelques tombes qu’on apercevait au fond, à travers le feuillage, tout semblait se réunir pour exprimer l’image du repos éternel et inspirer aux visiteurs des idées douces et un respect pieux. Un coup d’œil Jeté au fond de ces vallées funèbres faisait descendre dans l’âme des promeneurs les plus indifférents le calme et le recueillement dont il est convenable de se pénétrer quand on parcourt le séjour des morts[2].

Ces masses de verdure avaient encore l’avantage de garantir le cimetière des vues plongeantes des maisons voisines, tandis qu’aujourd’hui les habitations des vivants semblent se confondre avec celles des morts ; c’était, en un mot, le seul recoin où Ion retrouvât la véritable expression de la paix des tombeaux, au milieu de cet amas tumultueux de sépultures que n’accompagne presque aucune végétation. La plus magnifique construction, l’œuvre de l’homme enfin, peut se rétablir en quelques années et même en quelques mois ; mais la nature n’opère que lentement, et il faut compter par demi-siècle pour qu’une plantation ait acquis quelque splendeur.

Ces excavations ne contenaient probablement que des tombes temporaires[3] : excellente raison, vraiment, pour y porter la dévastation ! S’il fallait absolument tirer un parti plus lucratif de ces terrains, ne le pouvait-on sans faire table rase ? On eût pu, en faisant serpenter quelques sentiers sur les talus, et tout en respectant la majeure partie des plantations, incruster dans les berges de nombreuses sépultures ; elles eussent été sans

    dans la cavité des retombées des voûtes de l’église Saint-Benoît, faubourg Saint-Jacques, lorsque l’on convertit cet édifice en théâtre dit du Panthéon, il y a dix ou douze ans.

  1. Depuis que nous avons écrit ces lignes, ces murs ont été gratifiés d’un enduit, et pour donner à l’ensemble un cachet monumental, on a surmonté les deux pieds-droits de la porte d’un exhaussement recouvert d’un chaperon en plâtre à deux égouts, à l’instar du plus modeste mur de clôture. Cette réparation fait supposer qu’on n’a pas l’intention de donner à ce cimetière une entrée plus présentable.
  2. Nous avons entendu plusieurs fois les visiteurs des cimetières de Paris se plaindre de ne rapporter aucune émotion tendre au sortir de cet lieux funèbres, preuve évidente qu’il manque quelque chose dans la disposition ou le caractère qu’on doit imprimer à ces enceintes consacrées aux enceintes publiques. Nous-même avons passé bien des fois devant ces lignes de tombeaux somptueux, sans éprouver d’émotions ; tandis que nous nous sommes senti le cœur serré et les yeux humides à la vue d’une simple pierre tumulaire a demi cachée par des plantations, et sur laquelle les promeneurs indifférents n’avaient peut-être jamais daigné jeter les veux.
  3. à insérer