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suite, que l’entrait, quoique retroussé, agit directement taries pieds des arbalétriers au moyen des tiges AC et A’C’, qui font partie intégrante de l’armature, et qui, par-là, remplissent les doubles fonctions d’armatures pour les arbalétriers, et de tirant pour empêcher la poussée tendant à écarter les murs.

Pour nous rendre compte maintenant du mode d’action de chacune des pièces, supposons une ferme mise en place. Si on vient à la charger, il est évident que les pieds des arbalétriers tendront à s’écarter, et, par suite, à pousser les murs en dehors ; mais les pieds des arbalétriers étant liés invariablement avec les tiges AC et A’C’ils ne s’écarteront qu’autant que ces tiges elles-mêmes se prêteront à ce mouvement, et elles en sont empêchées par l’entrait CC’, qui reçoit et annulle les efforts qui s’opèrent en sens contraire à ses deux extrémités ; donc l’entrait proprement dit, c’est-à-dire le tirant CC. ne peut empêcher l’écartement des pieds des arbalétriers que par l’intermédiaire des tiges AC A’C’ qui l’y rattachent. Si maintenant on considère un arbalétrier avec son armature, on voit que la tension d’une tige telle que AC produit celle de la lige correspondante CB. D’ailleurs, ce sont ces mêmes tiges CB et C’B qui, retenant les points CC’, font conserver à l’entrait la forme brisée AC C’A’, qui, sans elles, se mettrait en ligne droite entre les points A et A’, ce qui est une nouvelle cause de tension pour ces tiges.

Cette tension continuelle des tiges est une condition nécessaire de la stabilité de ces fermes, et c’est par elle que les efforts produits par la charge des toitures se répartissent le plus également possible entre les diverses pièces qui composent ce système.

Pour prouver que l’entrait CC’, tout en s’opposant à l’écartement des pieds des arbalétriers, sert aussi à donner aux autres points du système la tension convenable, j’ai enlevé les jambettes d’une ferme, et, en la chargeant, toutes les tringles se sont parfaitement tendues. Cette expérience prouve évidemment que les jambettes portant sur des pièces déjà raidies et fixées à leurs places, supportent l’arbalétrier comme le feraient des appuis fixes.

J’ai fait construire, au chemin de fer de Paris à Versailles (rive gauche), des fermes sur ce système, pour un hangard ayant 8m.40 de largeur. Les arbalétriers équarrissaient 0m.11 sur 0m.06. Les tringles étaient en fil de fer de 0m.006 de diamètre, assemblées comme l’indique la Pl. 2, Fig. 4. J’ai fait placer une de ces fermes sur des plates-formes savonnées, et je l’ai fait charger de 500 kilog. On a ensuite frappé le pied des arbalétriers avec un marteau pour en déterminer le glissement ; ce qui, sous cette charge, a occasionné la rupture d’une des boucles de fil de fer, qu’on avait eu la maladresse de faire chauffer pour le courber plus facilement. Une autre de ces fermes, construite avec de la tringle de 0m.01 (5 lignes), a supporté dans les mêmes conditions 1000 kilog. sans la moindre altération, quoiqu’elle se soit écartée de 7 mill. sous cette charge. Cet écartement tient à ce que les écrous portaient sur des rondelles très-étroites et très-minces. La traction des tiges les a fait pénétrer dans le bois de sapin, qui se présentait debout et dont les fibres ont été refoulées.

Cette ferme, plus forte que les autres, a été placée au-dessus de la sablière d’un autre comble, perpendiculaire à celui dont elle fait partie. Une des fermes de ce comble tombait à l’aplomb de son sommet, et on l’y a rattachée par un tirant en fer, afin de pouvoir supprimer le poteau qui la soutenait et qui gênait le service.

Ces fermes, comme on le voit, peuvent être employées très-avantageusement pour supporter une charge comme celle d’une poutre portant un plancher, et sous laquelle on voudrait laisser libre un très-large passage. Il faudrait alors rattacher cette poutre, par des tiges en fer, aux points DD’ ; car tout l’effort se reporte sur les tirant en fer, qui, dans le sens de leur longueur, ont une grande force. On peut d’ailleurs, avec la plus grande facilité, augmenter leur épaisseur proportionnellement à la charge qu’ils doivent supporter.

Nous terminerons ce qui est relatif à ce système par l’énumération des avantages qu’il présente, savoir :

1o Une grande économie dans la dépense, ainsi que le prouvera le devis ci-joint des fermes de 8m.40 d’ouverture, construites au chemin de fer de Versailles, qui n’ont coûté que 28 francs chaque.

2o Une économie notable de grands bois de construction qui deviennent rares, et qui sont ici remplacés avantageusement, sous le rapport de la légèreté et de la durée, par des tringles de fer de quelques lignes.

3o La suppression de la poussée contre les murs d’appui, quoique le comble soit retroussé. Cette suppression a été démontrée par les expériences citées ci-dessus et par le modèle, au dixième d’exécution, d’une ferme de 12 mètres de portée, placé à l’Exposition des produits de l’Industrie. Ce modèle, posé sur des coulisses en fer poli, est resté chargé, pendant deux mois, d’un poids de 60 kilog., sans avoir éprouvé la moindre altération.

4o Une grande légèreté. En effet, pour mettre au levage une des fermes que j’ai fait construire, il a suffi de deux hommes, qui ont pris sur leur épaule chacun un bout de la ferme, et qui l’ont mise à sa place au moyen d’échelles. Pendant ce temps, deux autres hommes la maintenaient dans une position verticale à l’aide de cordes attachées à son sommet. Il a suffi d’une demi-heure pour la mise en place de chaque ferme.

5o Beaucoup de hauteur de passage sous les fermes par suite de l’élévation de l’entrait.

6o Une grande simplicité d’assemblage, qui laisse aux matériaux employés toute leur force, économise beaucoup de main-d’œuvre, et rend ces charpentes aussi convenables pour les bâtiments provisoires que pour les bâtiments définitifs. Chaque arbalétrier n’ayant qu’une seule mortaise dans toute sa longueur, et les fers étant simplement ployés par une de leurs extrémités et taraudés, ils conservent beaucoup de force et peuvent être démontés et employés ailleurs sans perte sur leur valeur.

7o La facilité avec laquelle une ferme se monte et se démonte, d’abord à cause de sa légèreté qui permet de la transporter facilement d’un endroit à un autre ; et ensuite, parce qu’il n’y a que 4 écrous à mettre pour la monter, ou à défaire pour la démonter.

8o La faculté de supporter de fortes charges que 1 on peut y suspendre aux points B, D et D’, parce que l’effort de ces charges se reporte directement sur les tirants en fer, auxquels on peut toujours donner assez de force pour résister.

9o Le moyen de ramener, par le seul serrage des écrous, une ferme qui s’écarte ou un arbalétrier qui fléchit.

10o La possibilité, lorsqu’on n’a pas de bois de grandes dimensions, de faire les arbalétriers de deux pièces assemblées au point D.

Les détails de construction sont importants dans ce système comme dans tous les autres. Ils sont simples, à la vérité ; mais